Cette construction démontre déjà une grande industrie

M. Drapier, Dictionnaire Classique des Sciences Naturelles présentant la définition , l’analyse et l’histoire de tous les êtres qui composent les trois règnes, tome huitième, Bruxelles, Méline, Cans & Co., 1842, p. 371-372.

Article PHRYGANE

Les larves de Phryganes ont été connues d’Aristote et de Pline, qui les ont regardées come des Teignes : ils leur ont donné le nom grec de Xylophtoros, traduit en latin par celui de Ligniperda, quoiqu’elles ne gâtent pas le bois. Ces larves ont reçu aussi des modernes le nom de charrées ; elles vivent toutes dans les eaux ; on les trouve dans les ruisseaux, les étangs et les marais. Elles sont logées dans des fourreaux portatifs, qu’elles font avec de la soie et qu’elles recouvrent de différentes matières, elles les traînent partout avec elles. Ces larves ont six pattes, la tête brune et écailleuse et la bouche armée de mâchoires propres à couper les matériaux qu’elles emploient pour faire leurs fourreaux…/… Quand on dépouille une de ces larves de son fourreau, si on le laisse auprès d’elle, elle y rentre aussitôt la tête la première. Le fourreau dont il a été question a sa partie intérieure lisse et polie ; sa partie extérieure est couverte de fragments de diverses matières propres à le fortifier et à le défendre ; les dehors sont souvent hérissés et pleins d’inégalités. Certaines larves font les leur de différents morceaux, qu’elles arrangent avec symétrie les uns auprès des autres. Quand ce fourreau devient trop court ou trop étroit, elles en font un autre d’une grandeur proportionnée à leur corps : quelquefois le neuf diffère beaucoup de celui qu’elles ont quitté ; ces différences dépendent des matériaux qu’elles ont eus à leur portée en le faisant. Elles y emploient des feuilles ou des parties de feuilles de plusieurs espèces de plantes, de petits bâtons cylindriques ou irréguliers, des tiges de plantes, de roseaux, des brins de joncs, des grains de terre, des coquilles aquatiques, enfin toutes les matières qu’elles trouvent dans l’eau. Ces fourreaux sont ouverts aux deux extrémités ; l’ouverture par où la larve fait sortir sa tête et ses pattes est la plus grande. Presque tous les fourreaux recouverts de feuilles sont plats mais on voit rarement cette forme ; le plus souvent ils sont cylindriques. Les fourreaux construits avec des pierres ou des coquilles, deviendraient un fardeau pour l’insecte s’il était obligé de marcher toujours sur la terre : mais comme il doit marcher, tantôt au fond de l’eau, tantôt à sa surface, et sur les plantes qui y croissent, il coûte peu à porter, si les différentes pièces qui le composent sont d’une pesanteur à peu près égale à celle de ce liquide : c’est ce que l’animal semble se proposer en y attachant des corps dont la pesanteur spécifique est moindre que celle de l’eau.
Cette construction démontre déjà une grande industrie.