Il a tout lieu de penser

L. Bosc, « Note », Paris,  Journal des Mines, tome 17, 1805, p. 397-399.

Note

Sur un fossile remarquable de la montagne de Saint-Gérand-le-Puy, entre Moulins et Roanne, Département de l’Allier, appelé l’Indusie tubuleuse.

Il y a déjà long-tems qu’on l’a dit pour la première fois, les connaissances des diverses parties de l’histoire naturelle se lient entre elles, et si un minéralogiste, par exemple, n’a pas des notions générales de zoologie et de botanique, il se trouve quelques fois embarrassé pour expliquer certains faits.

L’observation suivante le prouve de nouveau, selon moi ; la pierre calcaire qui forma le sommet de la montagne de St.-Gérand-le-Puy, route de Lyon, entre Moulins et Roanne, est presque entièrement composée de très – petites hélices fossiles agglutinées, tantôt en masse irrégulière, tantôt en forme de cylindre ouverts par un bout et fermés par l’autre, ou mieux, de cônes creux d’environ un pouce et demi de long sur cinq lignes de diamètre total, et un peu plus d’une ligne d’épaisseur.

Il peut paraître difficile à toute personne qui n’a pas étudié les vers ou les insectes, qui ne connaît pas le mode de construction du fourreau de certaines néréides, de certaines amphytrites, ou celui des larves de friganes, d’expliquer comment ces petites coquilles ont pu être englobées dans le pourtour de ces cônes,  et placées constamment plus près du bord interne que du bord externe.

Mais l’examen d’un grand nombre de ces cônes et l’analogie, portent à croire ceux qui ont étudié les  vers marins et les insectes, que ces cônes étaient originairement formés de soie, ou mieux de bissus, et fortifiés dans toute leur surface d’un rang de petites hélices, qui, a en juger par leur abondance, devraient couvrir plusieurs toises du sol de la mer, lorsqu’elle battait la base des montagnes du Forez, et alimentait les nombreux volcans de l’Auvergne.

Il a tout lieu de penser que lorsque la mer s’est retirée, ces fourreaux se sont conservés à raison de la nature des fils qui les formaient, et des coquilles qui les recouvraient, et qu’ensuite ils ont été petit à petit enduits de la couche calcaire qui les recouvre aujourd’hui, par l’infiltration des eaux.

Les petites hélices dont il est question, sont à peine long d’une ligne, et très-difficiles à caractériser par une phrase spécifique. Ils sont placés irrégulièrement, à l’égard les uns des autres, dans le pourtour interne des cônes, et très-friables.

Quant aux cônes dans la composition desquels ils entrent, on les trouve disséminés par place, où ils sont quelquefois si abondants, qu’ils se touchent tous. Leur disposition est irrégulière, mais leur direction est cependant généralement voisine de la perpendiculaire, et leur ouverture est presque toujours tournées en haut, ce qui indique que, pendant la vie de l’animal qui les a construits, ils étaient fixés par leur pointe et réunis en société. Ils laissent souvent entre eux des intervalles qui sont ou vides ou remplis par les hélices qui forment la masse de la roche, ou par une roche calcaire. La cavité de la plupart est vide, mais quelques-uns, et ce sont  peut-être ceux dont les animaux étaient morts avant la catastrophe qui les a fait tous périr, sont également pleins de petites hélices.

On pourrait sans doute dire que les cônes étaient tous également épais, et jamais remplis de la matière solide calcaire qui forme leur pourtour, il est plus naturel de supposer qu’ils ont été formés par un vers à tuyau, par exemple, d’un genre voisin  des vermiculaires, qui auraient fait entrer les hélices, dans l’intérieur du pourtour de son tuyau, comme les coquilles qu’on appelle vulgairement fripières en attachent sur leur test ; mais quand on considère que la surface extérieure des cônes est toujours très-fortement mammelonnée, on peut difficilement lui refuser une formation stalactistique. Du moins tout homme qui sera accoutumé a observer la marche de la nature, reconnaîtra évidemment à l’inspection qu’elle en porte tous les caractères. L’intérieur de ces cônes est bien aussi quelquefois mammeloné , mais jamais autant que l’extérieur.