Un souci du confort

Robert FrédérickLes Animaux, l’encyclopédie des animaux dans la nature, Paris, Hachette/ Livre de Paris, 1974, p. 19-20.

L’existence larvaire de la phrygane dure plusieurs mois. Elle varie dans ses détails selon les espèces mais obéit à certaines  règles générales : un appétit insatiable, un souci du confort et de la tranquillité qui amène la larve à se façonner un logis mobile…/…

Elle sait qu’elle ne peut plus passer inaperçue et que mille ennemis la traquent : poissons, amphibiens et diverses larves d’insectes. Possédant des glandes dont la propriété est de sécréter une soie très solide (si elle appartient à certaines espèces dépendant par exemple de la famille des séricostomatidés), elle recherche alors des matériaux : grains de sable, petits graviers, débris végétaux, coquilles brisées de mollusques, et entreprend de se tisser un cocon où la soie tient lieu de mortier et les divers éléments qu’elle a rassemblé autour d’elle, de moellons.

Ces tubes ne sont jamais fermés et se présentent comme des troncs de cône plus ou moins réguliers suivant les matériaux qui les composent. Ils donnent souvent un aspect étrange aux anses dans lesquelles les larves de phrygane aiment à se grouper. Dans chaque fourreau, un animal s’est glissé ( l’abdomen du côté le plus étroit) assurant sa prise grâce à un double crochet caudal. Tout l’intérieur du fourreau protecteur est tapissé de soie et, sur le corps de la larve, à la naissance de l’abdomen, plusieurs excroissances se coincent contre l’étui, maintenant l’animal dans son abri avec un matelas d’eau en mouvement autour des branchies.

Lorsqu’elle se croit en sécurité, la larve sort du fourreau sa partie antérieure et marche ou nage en traînant son gîte derrière elle. Que le moindre danger se présente. Elle s’enfonce au plus profond du tube : celui-ci coule sur le fond et y demeure tant que le calme n’est pas rétabli. De semaine en semaine, la larve l’agrandit par le haut et l’évase au fut et à mesure qu’elle croît. Souvent, ces tubes atteignent ainsi deux centimètres de longueur. Un savant polonais, qui les observait dans un marécage de l’est de son pays et les regardait se mouvoir avec une extrême vélocité, les comparait à des sous-marins miniatures n’osant affronter aucun autre habitant des marais.