Mais, mon oncle, c’est donc un tombeau?

A. D’Arzano, L’aquarium de l’oncle Michel. Récits instructifs de botanique et de zoologie, Paris, F. F. Ardant Frères, 1881, p. 71-74.

Louis.
Regardez ces jolis petits étuis, qu’est-ce que cela ?
M. Dhervily.
C’est une des choses les plus curieuses qu’on puisse observer, mon ami. Ce sont des larves de mouches à quatre ailes, nommées Perles ou Phryganes. C’est l’insecte imparfait, nommé larve, qui a construit cette petite demeure et y habite. Regardez quelle fantaisie a présidé à ces constructions artistiques ? Une de ces larves a construit son étui avec des morceaux de bois liés ensemble ; l’autre avec de légères coquilles collées délicatement. Une troisième s’est emparée de petits végétaux : son étui est un petit bouquet de verdure. Une quatrième a réuni des petites brindilles de l’étang : son étui est un nid. Le plus curieux, c’est de voir la larve fabriquer son étui ; pour cela, il faut la faire sortir de celui qu’elle habite afin de la forcer à recommencer une nouvelle habitation. Nous la mettrons à part, dans un vase en verre rempli d’eau limpide ; là, avec la tête d’une épingle, nous pousserons doucement la larve hors de son étui, nous enlèverons le dernier et nous la verrons s’en bâtir un nouveau.
Anna.
Mais, mon oncle, avec quoi le fera-t-elle ?
M. Dhervily.
Nous lui donnerons des petits morceaux de bois, des petites coquilles d’eau douce, des petites pierres plates très légères. Ayant choisi ses matériaux, nous la verrons se mettre à la besogne.
Celle qui fabrique son étui avec des pierres en prendra trois très minces, elle les attachera avec de la soie (qu’elle a filée), de façon à faire une voûte ; alors elle se blottira dans cette petite boite, et la voyant à sa taille, elle la bouchera à chaque bout par deux petites pierres plates. Elle s’occupera alors de tapisser l’intérieur d’une soie fine et douce : tout cela durera six heures au plus.
Louis.
Mais, mon oncle, c’est donc un tombeau ?
M. Dehervily.
C’est cela, mon ami. Lorsque la larve sent que l’instant de sa transformation arrive, elle quitte son étui, nage renversée sur le dos, se servant de ses pattes comme d’avirons, elle arrive à terre et là se retourne. Alors sa peau se fend sur le dos ; la Perle ou Phrygane ailée sort de sa vieille enveloppe, et déployant ses ailes, s’envole dans un rayon de soleil.
Anna.
Que c’est curieux, mon oncle !..