Une singulière agglomération

Montrouzier, « Détails de la Nouvelle Calédonie », Annales de la Société Entomologique, Paris, 1859, p. 168.

Vous ai-je parlé d’une singulière agglomération de petits morceaux de quartz ou de pierres ferrugineuses, selon les terrains, formant une espèce de coquilles trochoïde, ayant parfois, non pas un opercule, mais ce que l’on voit chez les Hélices et que Draparneau appelle je crois épiphragme ? Plusieurs de nos voyageurs, plus amateurs que naturalistes, l’ayant trouvée en abondance dans les rivières, les ruisseaux d’eau vive, l’ont recueillie et placée soigneusement entre deux couches de coton. J’ai même entendu dire qu’un savant conchyliologiste anglais en avait fait un nouveau genre. Or, ce prétendu Mollusque n’est que la larve d’une Phrygane, qui ne me semble différer de celles d’Europe que par la nature des matériaux dont elle forme sa maison. Ces larves, fort agiles paraissent avoir l’ouïe très fine. Souvent j’ai vu des pierres très lisses, placées sous une chute d’eau, à quatre ou cinq décimètres de profondeur, couvertes entièrement de ces espèces de Troques-Fripières. Sans toucher l’eau, seulement en agitant les doigts au-dessus du bassin, les petites maisons de quartz ou de sable agglutiné se détachant l’une après l’autre, roulaient au fond et laissaient à nu la pierre sur laquelle on eût dit qu’elles s’étaient donné rendez-vous. Quand à élever ces larves, outre que c’est un travail peu compatible avec les occupations du missionnaire, il y a une difficulté presque insurmontable : elles meurent bientôt lorsqu’elles ne sont plus dans les eaux vives, et il est à remarquer que plus on remonte les ruisseaux plus on les trouve en troupes. Du reste, les quelques essais que j’ai faits ne me permettent pas de douter que ces petits êtres industrieux ne soient carnivores.