Français / Anglais, broché, 23 x 34 cm
628 pages et près de 1000 illustrations, paru en juin 2020
ISBN : 978 2 84975 628 7
Fage éditions, diffusion : Harmonia Mundi, 45€
Disponible ou à commander chez votre libraire (France, Belgique, Suisse).
Les commandes depuis l’’étranger pourront être faites auprès de l’éditeur :
contact@fage-editions.com
Avec le soutien de la Fondation Antoine de Galbert
Présentation de l’éditeur
Miroir du trichoptère est intégralement consacré à la larve du trichoptère, connue pour se confectionner un étui protecteur à l’aide de matériaux naturels. L’insecte a suscité au fil du temps une multitude d’approches, de l’étude savante à la notation infime, de l’évocation litt.raire à la parabole fantastique, une masse documentaire que le sculpteur Hubert Duprat a rassemblée durant plusieurs décennies de façon quasi obsessionnelle et qu’il propose aujourd’hui sous une forme relevant à la fois du livre d’artiste et du recueil encyclopédique.
Véritable architecture conceptuelle, l’organisation de cette ample documentation est à l’image des déplacements subtils qu’opère l’artiste dans ses œuvres. L’iconographie, proprement stupéfiante, rassemble gravures scientifiques et de vulgarisation, illustrations didactiques et représentations humoristiques, fossiles et objets décoratifs. Parmi celles-ci se dissimule ça et là la documentation relative aux larves qui, «éduquées» par l’artiste, élaborent les étincelants fourreaux d’or et de pierres précieuses grâce auxquels s’est établie, de manière par trop exclusive, la renommée internationale de Duprat. Nulle hiérarchie ne prévaut, chaque découverte soigneusement renseignée contribuant à former, par agrégation, une totalité quasi exhaustive : «autrement dit, presque tout sur presque rien» .
Ne nous y trompons pas, le motif constitutif de cet ouvrage est au fond secondaire. Il s’agit d’une invention, au sens archéologique du terme, de Hubert Duprat. La démesure de l’entreprise et la dimension indéniablement esthétique du résultat confèrent à l’ouvrage valeur d’œuvre. Nous entretenant de matériau et de fabrique, de temps et d’espace, nous faisant traverser l’histoire et les continents, ce monument s’offre comme le reflet diffracté des minuscules productions trichoptériennes ; en somme, comme leur envers. Aussi Miroir du trichoptère peut-il .être tenu pour la plus récente sculpture réalisée par Hubert Duprat, entre monstre et merveille.
The Caddisfly’s Mirror focusses on the insect’s larvae, whose protective tubes, which they make out of natural materials, have given rise to a wide variety of approaches, from learned studies to detailed notation, and from literary evocations to fantastical parables – a documentary mass that the sculptor Hubert Duprat has been building up almost obsessively over decades, and to which he has now given the dual form of an artist’s book and an encyclopaedic anthology.
This voluminous compilation is a conceptual architectural construct that reflects subtle shifts in the artist’s work. The many striking images include historical scientific and non-scientific engravings, didactic illustrations and humorous representations, fossils and decorative objects. Among them are sparkling sheaths of gold and precious stones created by . trained . larvae. And it was these which, though restricted in scope, brought Duprat international recognition. No hierarchy dominates. Each carefully-recorded discovery contributes to a process of accretion, and thus a quasi-exhaustive totality : “In other words, almost everything about almost nothing“.
Let us be clear that in this case the idea of a constitutive motif is, in the end, of secondary importance. The work may be regarded as a discovery, in the archaeological sense of the term, made by Hubert Duprat. Given the breadth and aesthetic dimension of the enterprise, the result is an oeuvre in itself. Speaking to us of materials and methods, of space and time, taking us on a journey across history and continents, this monument constitutes a diffracted reflection of tiny trichopteran creations. Like their obverse facets, in sum. In a sense, The Caddisfly’s Mirror is Hubert Duprat’s latest sculpture, between monster and marvel.
« Miroir du Trichoptère d’Hubert Duprat » par François Huglo
« Imaginons l’arche de Noé portant un seul insecte et toute la mémoire humaine. Un atelier d’artiste et la Grande Bibliothèque. Un laboratoire et une vie humaine. Miroir du Trichoptère : celui que nous lui tendons et celui qu’il nous tend. Transports, métaphores, métamorphoses, de son monde au nôtre, d’une monade à l’autre. « Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres » (Marcel Proust). Pourquoi ceux du Trichoptère ? Et pourquoi pas ? Hubert Duprat : « La collecte ne s’est pas faite sans difficultés, mais l’entêtement quasi obsessionnel dont a résulté cette somme s’est, je crois, transformé en méthode —et celle-ci aurait très certainement pu prendre n’importe quel objet comme motif… Autrement dit : presque tout pour presque rien . » […] »
Texte complet sur le site de poésie contemporaine Sitaudis
« Vilaines petites bêtes » par Jacques Demarcq
« […] Il arrive que le génie propre d’un artiste ou d’un poète comporte une part de folie. À ma connaissance, Aristote l’ignorait, mais pas Montaigne qui a tenu à rencontrer Le Tasse, qu’il admirait, mais que son comportement avait fait enfermer. Il y a une part de monomanie dans l’intérêt de Duprat pour les trichoptères, mais ses recherches ne sont pas folles. Sérieuses quoique curieuses, elles le protègent d’être seulement un artiste, et pire, seulement contemporain. Son œuvre s’inscrit délibérément dans le temps long de l’histoire naturelle, objet de la science, et de l’histoire des arts, qui intéresse tout bon artiste. Duprat a créé des œuvres mettant en jeu la perspective et la camera obscura qui ont marqué la Renaissance, et d’autres associant des matériaux hétéroclites à la manière des baroques. Ce qu’il y a de plus contemporain en lui est sans doute qu’il excède le cadre des arts plastiques. Duprat est aussi un amateur d’entomologie et de géologie, et un bibliothécaire assidu. Il a travaillé pendant vingt ans à son Miroir du Trichoptère. »
Texte complet de cette note de lecture sur le site de poésie contemporaine Poezibao
« Hubert Duprat : Miroir du Trichoptère / The Caddisfly’s Mirror » par Jean-Marc Huitorel, note de lecture tirée de Critique d’Art, Rennes, n° 5, automne –hiver 2020.
- 1. Miroir du Trichoptère, qui est aussi l’intitulé d’un site Internet, se présente sous la forme impressionnante d’un volume de plus de six cents pages conçu par Hubert Duprat et où le lecteur, qu’il le lise systématiquement ou qu’il y picore ici et là sa nourriture, rebondit d’innombrables textes ou extraits d’ouvrages à une très riche iconographie (on sait la splendeur du dessin des entomologistes), l’essentiel de celle qui est disponible sur les larves de phryganes qui, au fond de certains cours d’eau ou d’étangs, se protègent des prédateurs, des truites en particulier, en se parant d’un étui qu’elles confectionnent au moyen des matériaux qu’elles trouvent à portée et qu’elles assemblent et fixent par une sorte de bave qu’elles sécrètent. Contrairement à L’Encyclopédie des guerres, entreprise dans laquelle Jean-Yves Jouannais croule sous la masse du corpus, Hubert Duprat, avec Miroir du trichoptère peut se réjouir de la réalisation d’un rêve qu’ont caressé bien des humains et que notre époque rend la plupart du temps impossible : tout savoir, non pas sur tout, mais au moins sur un domaine donné. Hubert Duprat, en effet, non en savant mais en encyclopédiste, et plus encore en obsessionnel curieux, sait tout, ou peu s’en faut, sur les trichoptères, Miroir du trichoptère en est la preuve : une somme totalisante. Il s’agit, il est vrai, d’un domaine fort réduit qui le pousse à reconnaître à la fois sa prétention et sa modestie : « presque tout sur presque rien ». C’est précisément ce « presque rien » qui fait « l’énaurmité » de l’entreprise aux échos bouleversants venus de ces Bouvard et Pécuchet que nous sommes tous et auxquels Gustave Flaubert, au-delà d’une ironie qu’on a eu tendance à surestimer, vouait une tendre affection, égale sans doute à celle qu’il portait à Emma Bovary.
- 2. L’idée des fourreaux luxueux ne vient pas seulement des scientifiques, parmi lesquels la fameuse Elizabeth Mary Smee qui, dans les années 1860, expérimenta le processus de fabrication des étuis en mettant à la disposition des larves des matériaux précieux, on la trouve aussi dans les fictions et particulièrement dans les ouvrages de science- fiction. Ainsi, le fait que Duprat reconnaisse qu’il n’est pas l’inventeur de l’expérience qui fonda sa réputation d’artiste, et malgré le brevet qu’il a déposé, nous paraît-il fondamental si l’on veut tenter de montrer où, dans cette affaire, se situe l’œuvre. En effet, si l’objet (le fourreau constitué de matériaux précieux) se trouve bien au centre de la désignation, mais dans ce cas, l’artiste c’est la phrygane, c’est tout autant l’ensemble du processus (les nombreuses et très longues recherches de l’artiste, toute la documentation par lui réunie, les essais parfois réussis, parfois ratés sur les phryganes, etc.) qu’il convient de prendre en compte. Aussi, et c’est l’hypothèse que nous voudrions poser, il se pourrait bien que ce qui fait œuvre dans le travail d’Hubert Duprat autour des trichoptères, soit au final ce formidable ouvrage, Miroir du Trichoptère. Une œuvre, pour reprendre les termes de Nelson Goodman, non pas autographique, mais allographique, ce que Gérard Genette traduit par l’opposition entre œuvres matérielles à immanence physique (les peintures, les sculptures) et celles à immanence idéales (les partitions musicales, les textes…). Et au fond, c’est bien d’effet de boucle, dans ce jeu avec l’illusion totalisante, qu’il est question ici ; c’est la masse autant que le savoir qui compte, c’est un geste qui, à la fois, se referme sur lui-même et s’ouvre comme un signal à l’adresse de l’ensemble des autres pièces de l’artiste. C’est dire toute la dimension conceptuelle d’une œuvre connue par ailleurs pour la splendeur physique et sensorielle de ses occurrences uniques.