James Blish, Semailles humaines, Paris, Le livre de poche, 1977.
« Dans la pénombre, Lavon distingua la haute masse d’une pierre qu’il examina avec soin. Presque aussitôt, il vit ce qu’il espérait : le fourreau de sable d’une larve de phrygane soudé à la paroi du rocher ; il fit un signe particulier.
S’avançant avec prudence, les hommes se déployèrent en demi-lune, face à l’ouverture du tube. Un Noc s’approcha du rocher, semblable à une lente fusée éclairante. Une Para lança un bourdonnement de défi et la formation se resserra. La demeure de la larve avait trois fois la taille d’un homme et les grains de sable noir et gluant qui la formaient avaient la grosseur d’une tête.
Quelque chose bougea à l’intérieur du tube et, un instant plus tard, la gueule immonde de la larve émergea de son fourreau, se braquant avec incertitude sur la Para qui l’avait dérangée. Celle-ci recula et, poussé par une sorte de faim aveugle, le ver la suivit. D’une secousse, il sortit la moitié de son corps de sa gaine.
Lavon poussa un cri. Instantanément, la phrygane se vit cernée par une horde hurlante de démons à deux pattes qui la frappèrent impitoyablement à coups de poing et de gourdin. Elle émit une sorte de bêlement aussi inimaginable que le pépiement d’oiseau d’un poisson et voulut réintégrer sa demeure. Mais l’arrière-garde était déjà sur place pour l’en empêcher. Sous les coups qui pleuvaient, elle s’éjecta totalement de sa gaine. Une seule issue lui restait et les démons la harcelaient l’obligeant à fuir dans cette direction. Bêlant, secouant sa tête aveugle, nue et vulnérable, elle glissa lourdement vers le fond.
Lavon ordonna à cinq Didins de la traquer. Ils ne pouvaient la tuer car la phrygane était beaucoup trop grosse pour que leur poison eut raison d’elle mais ils la fouailleraient pour la contraindre à poursuivre sa route ; Sinon, ils seraient à peu près sûr qu’elle reviendrait vers le rocher afin d’édifier une nouvelle demeure.
Lavon se jucha sur une saillie et contempla sa prise avec satisfaction. Le fourreau de la phrygane était suffisamment vaste pour abriter son armée tout entière. Il serait facile à défendre, une fois bouchées les brèches de la paroi du fond et il était situé loin du terrain de chasse habituel des dévorants. Il faudrait nettoyer les excréments de la larve, poster des sentinelles, percer des évents pour maintenir en mouvement l’eau pauvre en oxygène des profondeurs. Dommage qu’il ne soit pas possible de charger les amibes de la corvée de récurage… »