Abbé J.-J. Bourassé, Les insectes, Tours, A. Mame, 1881.
Les phryganes
Nous ne pouvons nous lasser d’admirer la prévoyante bonté de la Providence, en étudiant l’aimable science de l’entomologie. Quel est le petit insecte qui n’a pas reçu ses dons particuliers de la main créatrice ? La phrygane a été traitée avec faveur ; elle est habile et rusée. A l’état parfait, elle ressemble assez à un de ces lépidoptères nocturnes qui viennent inconsidérément voltiger, la nuit autour des flambeaux. Elle enveloppe ses œufs d’une matière gélatineuse, et les attache aux feuilles ou aux tiges des plantes aquatiques. Il en naît une larve qui se développe dans l’eau des marais, des étangs, des ruisseaux. Couverte d’une peau fine et délicate, cette pauvre larve va devenir la proie des poissons ou des oiseaux aquatiques, qui en sont très friands. Quoique dénuée de ressources pour échapper par la fuite, ou pour résister par la force, elle sait pourtant déjouer toutes leurs attaques par les secrets d’un art admirable. A peine échappée de son berceau, elle fabrique un petit fourreau de soie, qu’elle recouvre de différentes matières pour le fortifier ; c’est là qu’elle brave les poursuites de ses ennemis. La phrygane se couvre de petits fragments de bois, de graviers, de débris de feuilles, et même de petites coquilles encore occupées par leur habitat. Partout elle transporte avec elle sa maisonnette, d’où elle ne fait sortir que l’extrémité antérieure de son corps quand elle marche.
Les Larves des phryganes, en revêtant leur fourreau de matériaux divers, dont l’assemblage constitue un accoutrement si étrange, n’ont pas seulement pour but de lui donner plus de solidité, mais aussi de le lester plus convenablement, afin de pouvoir se diriger dans l’eau. Ce lest donne au fourreau une pesanteur à peu près égale à celle du fluide où il flotte, et l’y maintient en équilibre.