Charles T. Brues, « Jewelled caddis-worms cases », Psyche, vol. XXXVII, n° 4, Cambridge (Mass) , Cambridge Entomological Club, 1930, pp. 392-394.
Durant l’été 1930, alors que je collectais dans le nord-ouest du Nevada, j’ai trouvé des étuis de larves de phryganes qui m’ont grandement intéressé du fait d’une particularité surprenante montrée par ces Trichoptères dans le choix des pierres minuscules dont ils recouvrent leurs étuis.
Nous revenions d’un séjour dans l’extrême nord-ouest de l’État, une zone désertique presque inhabitée, où il n’y a d’eau en permanence qu’à de rares endroits. Atteignant Fish Springs au crépuscule, nous avons décidé de camper pour la nuit près de la source, qui donne assez d’eau froide pour former un ruisselet et plusieurs petites mares avant d’être absorbés par le sol. Examinant la source et le bref ruisseau le lendemain matin, j’ai remarqué dans la vase noirâtre de nombreux petits morceaux d’opale qui luisaient çà et là. Il n’est pas étonnant de trouver là des opales : il y a de nombreux dépôts d’opales et de bois opalisé dans la région voisine, le nord-est de Nevada, où la pierre est exploitée pour le commerce. Dans la source, tous les morceaux étaient petits ou minuscules, mais ils émettaient une brillante lumière bleu pâle.
Collectant des insectes aquatiques, nous avons remarqué sur le fond un mouvement groupé de plusieurs points d’opales brillants, qui s’est avéré être une phrygane traînant son étui sur la vase. Des recherches nous en ont fait trouver d’autres : neuf spécimens au total, tous couverts de nombreux petits morceaux d’opale. Comme les opales sont dans la vase, par rapport aux autres matériaux siliceux ou cristallins, en proportion bien moindre que dans l’assortiment utilisé par les larves de phrygane, il ne fait aucun doute que leur couleur brillante a une influence dans leur choix. Les étuis sont revêtus de sable ; observées au microscope, les particules s’avèrent en partie cristallines (constituées de bris de quartz à haut indice de réfraction), et en partie non-cristallines, généralement de couleur jaune, brune ou plus sombre, terne et opaque. Les particules translucides sont toutes plus ou moins opalisées, avec quelques-unes beaucoup plus “ardentes” que les autres. Le compte des particules de deux étuis, après les avoir détachées de leur réseau de soies par immersion dans une solution caustique de potasse, indique que plus de la moitié sont plus ou moins opalisées. Pour l’un des étuis, le ratio de particules cristallines opalisées par rapport aux ternes est de 102/68 ; pour l’autre, de 380/222. Comparativement, les matériaux parmi lesquels les larves opèrent leur choix comportent une bien moindre proportion d’opale, même si elle est difficile à estimer.
Plusieurs larves de phryganes sont connues pour manifester d’importantes variations à l’intérieur d’une même espèce dans le choix des matériaux de leur étui, qui dépend en général des matériaux qu’elles peuvent atteindre. Lloyd, en 1921, en a décrit un exemple particulièrement net pour Limnephilus combinatus : il y a trouvé des coquilles ou des bouts d’écorce selon que l’un ou l’autre de ces matériaux était disponible. Dans ce cas comme pour d’autres espèces, Phryganea vestita ou Limnephylus submonilifer par exemple, de telles différences sont plus ou moins en rapport avec l’âge, les larves jeunes et âgées construisant des étuis de structure différente, ou migrant lorsqu’elles arrivent à maturité et quittant alors une zone où certains matériaux étaient disponibles. Certaines espèces ne font en outre aucune discrimination dans les matériaux qu’elles utilisent.
Il semblerait que la discrimination opérée par les larves de phrygane dans les objets à fixer sur leur étui dépende entièrement d’un sens tactile couplé avec une appréciation du poids. Cela reste vrai lorsqu’elles choisissent un sable cristallin de préférence à un grain arrondi. Donc, l’emploi presque exclusif de petits cristaux de quartz par certaines espèces ne nécessite pas d’en passer par la vision, puisque les quartz sont reconnaissables à leurs bords aigus.
Dans le cas présent, la vision doit toutefois être un des facteurs de choix, puisque les morceaux brillants ne sont pas physiquement différents des quartz blancs ou légèrement opalisés. Tous ont indubitablement la même origine, s’étant cristallisé au contact de bois fossile qui s’était silicifié dans des sources chaudes éteintes.
Un rapide examen de la volumineuse littérature sur les larves de phrygane n’ayant rien permis de trouver quant à la part prise par la vision dans le choix de matériau constructif pour leur étui, il m’a semblé utile de présenter les observations précédentes.
Je n’ai pas été capable d’identifier précisément la larve, mais sa structure est très semblable à celle de Platyphylax designatus, et elle appartient sans aucun doute à quelque forme très proche. Le professeur Banks a suggéré qu’elle appartient très probablement à l’une des deux espèces d’Heterophylax qui sont communes dans ces partie des États-Unis : H. magnus Banks ou H. occidentalis Banks. Compte tenu de la taille, il est probable qui s’agit de la seconde espèce, car elle est beaucoup plus petite.