E. Caustier, Les insectes, Paris, Hachette, 1921.
L’influence du milieu se fait sentir sur les facultés psychiques des Insectes. Voyez plutôt les Phryganes qui voltigent au-dessus des étangs et qui ressemblent aux Libellules. Chez ces bêtes s’affirme la grande loi de l’adaptation, qui est la condition première du progrès biologique. Sur le fond d’une mare on aperçoit des centaines de petits tuyaux de pierre ou de bois, sans cesse en mouvement. Ce sont des larves de Phryganes qui, pour échapper à leurs ennemis s’entourent d’un étui rigide fait de matériaux très divers : petites pierres, fragments de bois, débris de coquilles, etc. La Phrygane est fort habile pour utiliser tout ce que le hasard place à sa portée ; mais ce qu’il y a de plus curieux, c’est de voir la souplesse et la science déployées par cette bestiole dans la recherche du confortable. Si l’animal vit dans une mare aux eaux stagnantes, il se désintéresse de la surface de son étui qui est rugueuse et irrégulière ; mais si l’animal vit dans une eau courante, il modifie sa construction ; partisan du moindre effort, il prend bien soin que son tube ne présente aucune saillie pouvant donner prise au courant, et dans ce cas il emploie des pierres plates, à surface lisse.
En eau calme, cette maison de pierre est lourde à traîner. S’il était possible de l’alléger ! C’est un problème d’hydrostatique que la larve de Phrygane va résoudre. Les lourdes pierres sont remplacées par de petites coquilles de Mollusques, creuses et légères, qui vont aider la maison à flotter. Mais ce n’est pas tout. L’animal s’étant rendu compte que le bois flotte sur l’eau est plus léger encore, est allé l’y chercher afin de l’adjoindre à sa construction, sous forme de petites bûchettes. Enfin, il y a mieux encore. Les Phryganes de l’Allier, pour lutter contre les Perches et les Truites si friandes d’Insectes, se sont mises en état de défense : elles ont transformé leurs fourreaux, jusque-là inoffensifs, en forteresse hérissées de lances meurtrières. Elles incorporent à leurs tubes des branches pointues, des piquants, des épines, et même des hameçons lorsqu’elles ont la bonne fortune d’en trouver (pl.12). Aussi le Poisson n’insiste pas lorsqu’il rencontre une proie aussi armée.
Ce sont là des cas merveilleux d’adaptation à des conditions particulières de milieu, comme on en voit beaucoup dans la nature dès qu’on essaye de pénétrer la vie de la plus humble bestiole.