Amédée Guillaume Auguste Coutance, La lutte pour l’existence, Paris, C. Reinwald, 1882.
Mais qu’une psyché s’habille de mousse ou de feuille, qu’importe si le fourreau est solide, si la robe de chambre est bonne. Eh bien non, cela n’est pas indifférent. Nous allons prêter à la nature une nouvelle horreur, elle a déjà celle du vide, de la perpétuelle autofécondation, nous allons ajouter qu’elle a horreur des variations de la mode. Elle semble avoir voulu montrer ici combien la fixité de l’espèce est dans ses vœux et dans ses plans, en ne permettant même pas à une psyché de varier sa toilette en y glissant le moindre enjolivement étranger. Aussi les voyons-nous ces austères psychés, vouées à perpétuité les unes aux fourreaux de bûchettes, les autres aux fourreaux de feuilles, ou bien aux fourreaux de mousse, transmettre d’âge en âge la mode invariable à leur descendance. Psyché graminella, psyché radiella, psyché gondebautella, se reconnaîtront toujours à leur habit, comme la carmélite se distingue de la sœur de charité par la qualité de la bure qui les habille. Je sais qu’à rencontre de cette simplicité on nous parlera de la teigne à falbalas qui s’entoure de plusieurs étages de collerettes taillées dans les feuilles ou de la teigne des draps, qui, passant du drap bleu du marin au drap blanc du dragon, puis au drap rouge du fantassin, peut se faire un fourreau national- aux trois couleurs. Je répondrais que je n’ai cherché qu’à montrer que la coupe et la matière de l’habit sont invariables dans chaque espèce, et que toute lutte, toute jalousie, se trouvent éteintes par ces lois somptuaires. Ah ! que de guerres, que de haines seraient supprimées s’il en était ainsi dans l’espèce humaine ; que de coups d’épée pour un nœud de ruban !
Je pourrais citer bien d’autres exemples du soin pris pour que la coquetterie ne devienne pas une cause de trouble dans les ménages, nous voulons dire entre les espèces. Voici la phrygane rhombique qui s’habille de brins de bois mis en travers ; une autre espèce les
met en long, une autre en spirale. La phrygane flavicorne embellit son étui d’une singulière passementerie de coquilles vivantes de planorbes. Sable, pierraille, pailles, feuilles, tout est employé suivant les espèces.