Solange Duflos & Jean-Louis Graille, D’étangs en marais, ce que dit la nature, Paris, Hatier, 1978, p. 54.
Votre épuisette, en fouillant le fond et en secouant sans ménagement les plantes flottantes et nageantes, a ramené d’étranges petits tubes. Curieux, vous avez démoli un de ces solides abris faits de brindilles ou de débris de roseaux, de morceaux de feuilles, de petites coquilles vides, parfois de sable et plus rarement de graviers. Un petit animal allongé d’un joli vert l’habitude mais il est si fragile qu’il s’est brisé : un jus jaunâtre a coulé, pouah ! Quel dégoût, mais aussi quel regret d’avoir gâché une petite vie !
Vous auriez dû faire sortir la larve en la poussant par l’arrière, c’est-à-dire par le petit bout du fourreau au moyen de la tête ronde d’une épingle, utilisée comme un piston. Cette larve de la Phrygane a trois paires de pattes thoraciques qui tirent le fourreau, tandis qu’une paire de fausses pattes anales la maintient fixée au fond du tube par des sortes de griffes. Observez les branchies, filaments disposés de part et d’autre de l’abdomen, qui assurent la respiration.
La larve va sur le fond calmement vers quelque morceau de végétal à découper et à écraser de son appareil broyeur car, bien sûr, elle peut laisser sortir la tête et ses pattes qu’elle rentre vivement en cas de danger.
Selon l’allure, la forme du fourreau, le matériel utilisé et la façon de travailler, on peut avoir une idée assez précise de l’espèce rencontrée et vous comprenez maintenant les surnoms des Phryganes : bêtes de bois, bêtes à fagot ; porte-bois ; charretiers, etc.
Vous vous rendez compte que la matériel utilisé a une grande importance : il permet, pour échapper à un prédateur, la flottaison. La Phrygane a d’ailleurs une provision d’air dans son fourreau, mais ses possibilités ne sont pas, et de loin, celles du Gyrin.
Après la récolte, si vous voulez voir l’insecte, encore larvaire, construire son tube, faites-le sortir sans le blesser et placez-le dans un bocal quelconque avec des matériaux à votre choix. Votre larve reconstruira son fourreau en amalgamant par des fils de soie qu’elle sécrète, les pièces de son futur logis. L’ensemble, solide peut résister à une pression des doigts. Et elle agrandit sa demeure au gré de sa taille et de son âge.
Proposez différents types de matériaux à votre bâtisseur pour les comparer par rapport à l’utilisation qu’en fait la Phrygane. Vous verrez en quelques heures des constructions tantôt artistiquement décorées de brindilles rustiques amoncelées, tantôt savamment bâties d’un pavage de coquilles. Et vous pouvez refaire l’expérience du grand naturaliste Fabre. Il a fourni des grains de riz à l’infatigable travailleuse qui, après une construction de base faite de débris, a su utiliser les grains de riz pour édifier sa « tour d’ivoire ».