Maurice Genevoix , Bestiaire enchanté, Paris, Plon, 1973, p. 99.
La larve de la phrygane, tous les pêcheurs en eau douce la connaisse ; ils l’appellent le porte-bois. Elle est molle et juteuse sous une peau si mince, si fragile que l’effleurement d’une pointe d’hameçon la déchire et la vide toute entière. Elle se protégera donc, se cuirassera tout au long d’un étui qu’elle fabrique à mesure , un agglomérat de fétus, de menus coquillages aquatiques ou de minuscules grains de sable. Elle les liera ensemble d’une salive qui durcit au contact de l’eau. Seules dépasseront sa tête et les actives mandibules qui assureront sa nourriture. Comment croire que cette merveille ailée, cette gracieuse imago que la lumière irise, c’est le même être que cette brindille grisâtre, à demi pourrie dans l’eau trouble. Vienne demain, après-demain, larve, imago, la phrygane sera morte.