Georges Thinès, « Fascination de la forme vivante », Paris, Poétique de l’animal, n° 81, Pierre Seghers, février 2000, p. 26.
Dytiques aux pattes rameuses, Nèpes cendrées, Phryganes dont les larves flottaient dans un étui léger. L’étui fait de fragments de bois et de gravier avait été assemblé par la larve, elle avait donc fabriqué un objet, elle pratiquait selon des lois qui m’étaient inconnues, ce que les anciens entomologistes appelaient si heureusement son industrie. Ce mot, je l’ai rencontré plus tard en lisant les Souvenirs entomologiques de Fabre et les Mémoires pour servir à l’histoire des insectes de Réaumur. Il m’a rappelé à plus de quinze ans de distance la lente dérive des larves sur l’eau noire des marais : il m’a également rappelé que je vivais à proximité d’un charbonnage où travaillait mon père, en sorte que l’acte constructeur de l’insecte infime et l’acte industriel de l’Homme se trouvaient tout à coup reliés par une secrète parenté, disons par un génie particulier en entendant par ce terme à la fois l’art de l’ingénieur et le don naturel de la bête.