Conrad Gesner, Historiae Animalium, Francfort, 1604.
Corollaire à propos du même et d’autres petits animaux de rivière.
L’ancien nom de phrygane fut utilisé par Pline, mais ce qu’on ne saurait pas, c’est si Bellonius l ‘a justement donné au vermisseau aquatique que les Français nomment charrée. Je ne m’en occuperai pas afin de ne pas paraître m’intéresser davantage aux noms qu’aux choses. Je me contenterai de dire ceci : un argument lié à la seule étymologie n’est pas très solide ; et quel que soit l’animal qui corresponde aux phryganes (ceux que Bellonius appelle phrygane ne correspondent pas aux phryganes mais aux fourreaux de ces derniers) on ne peut l’appeler phrygane. Mais plutôt que de disputer, convenons de l’appeler ainsi puisqu’il n’en peut résulter, je crois, aucun inconvénient. Le nom français charrée-en allemand Kerder ou Kaerder- que l’on donne à la plupart des larves aquatiques, je pense qu’il est commun : tous ont l’habitude de l’utiliser pour appâter les poissons qui en sont friands. En été toutes ces larves donnent naissance à des espèces de mouches. Et chez nous ce n’est pas seulement ces petits animaux, mais toute sorte d’appât préparé et enfilé sur l’hameçon pour pêcher des poissons qu’on appelle Kerder et qui, on ne me le sortira pas de l’esprit, n’est pas étranger à la langue grecque. Car chez eux ils l’appellent Steinbeissen, c’est à dire en grec dacolithos, ce qui signifie « qui mord la pierre » (c’est aussi le nom que porte une sorte de goujon de rivière que nous avons signalé plus haut). Les larves sont enfermées dans des fourreaux formés de sable. On les trouve dans les eaux courantes et même les lacs, accrochées à la partie inférieure des pierres, et les pêcheurs les recherchent comme appât pour les poissons. Elles se déplacent seulement avec leurs fourreaux qui ont une forme cylindrique : la tête et les pattes pointues dépassent. On me dit que même dans des sources d’eau froide on trouve des larves enfermées dans des fourreaux solides. La plupart de nos compatriotes appellent, comme je l’ai dit, cette espèce Kerder ou Kerderle..
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Paralipomena
Les nôtres les appellent Kärderle. Le fourreau est comme de la soie : il a la longueur d’une phalange de doigt humain, ouvert à une extrémité. A l’intérieur se trouve un ver aux pattes pointues, qui laisse sortir sa tête. Le reste bien sûr, une coque allongée, est formé depuis l’intérieur. Dessus et dessous il est hérissé de filaments blanchâtres, grâce auxquels, je pense, il s’accroche à son fourreau, avec une telle efficacité qu’on peut à peine l’en arracher. Comme j’en avais gardé au sec deux ou trois jours et que leur tête ne donnait aucun signe de vie, je les extraits de leur fourreau, et un peu plus tard je les ai encore trouvés frais et vifs. Leur tête alors bougeait légèrement. A l’extérieur du fourreau est fixé ce qu’il aura pu trouver autour de lui qui soit assez léger, des écorces de bois, fragments ou brindilles (phrygana, d’où Bellonius a tiré le nom de phrygane). A ceci il faut ajouter de petits coquillages semblables à des patelles ayant la taille et l’aspect d’une lentille, ainsi que d’autres sortes de déchets.