Maurice Girard, « Note sur la phrygane flavicorne », Bulletin d’Insectologie Agricole, Paris, mai, 1878, pp. 69-71.
Un de nos collègues a adressé au bureau de la Société un fourreau façonné avec de jeunes coquilles de Planorbes assemblées par des fils de soie et au sujet duquel il désire obtenir des explications. Ce fourreau, très résistant, oblong, un peu prismatique, était fermé à ses deux bouts par une coquille. On a ici affaire à un fourreau de Phryganiens ou Trichoptère, névroptères aquatiques à leurs premiers états. Les larves sont de vraies chenilles d’eau, ce que semble avoir reconnu Réaumur lorsqu’il les appelle teignes aquatiques. Elles se nourrissent de végétaux aquatiques ou de feuilles de végétaux des bords accidentellement tombées dans l’eau. Elles s’entourent de fourreaux soyeux dont le tissu est fortifié par une foule de substances variées, petites branches, débris de feuilles, coquilles entières ou en morceaux, sable, etc. de là leur nom de charrées, porte-sables, porte-bois, porte-feuilles, etc., et la science a adopté le vieux nom de Phrygane, donné par Belon à ces insectes, et qui signifie fagot, d’après l’aspect de beaucoup de ces fourreaux. La tête sort du fourreau ainsi que la partie antérieure des pattes thoraciques ; la larve est cramponnée au fond du fourreau par des crochets anaux, de sorte qu’on le brise, si on cherche à la retirer du fourreau par la tête. C’est ce que savent très bien les pêcheurs à la ligne, qui se servent très souvent de ces larves de Phryganes comme amorces. Ils ont soin de pousser la larve avec un petit bâton par le bout terminal du fourreau, afin de dégager les crochets qui la maintiennent, et on peut ainsi la faire sortir entière. Quand ces larves vont devenir nymphes, elles ferment les deux bouts du fourreau par diverses substances liées par des fils de soie, sortes de grilles arrêtant les insectes ennemis, mais laissant passer l’eau, dans laquelle vit la nymphe ainsi que larve, au moyen de branchies en houppes ou en filaments respirant l’oxygène de l’air dissous dans l’eau. Indifférence pour le cghoix des objets
L’espèce qui se sert le plus souvent de petites coquilles pour couvrir son fourreau soyeux est la Phrygane flavicorne ou à antennes jaunes, du genre actuel Limnophilus et du nom Limnophilus flavicornis, FABRICIUS. C’est à elle qu’appartint le fourreau soumis à notre examen. Souvent les mollusques des petites coquilles continuent de vivre. Réaumur connaissait très bien ces fourreaux couverts de coquilles, car il dit à ce sujet : « Ces sortes d’habits sont fort jolis ; mais ils sont aussi des plus singuliers. Un sauvage qui, au lieu d’être couvert de fourrures, le serait de rats musqués, de taupes ou autres animaux vivants, aurait un habillement bien extraordinaire : tel est en quelque sorte celui de nos larves »…./….
../.. Les fourreaux des larves de cette Phrygane présente la plus grande diversité de matériaux, ceux-ci placés plus ou moins transversalement : bois gros ou minces, mousses, pierres, feuilles, etc., et aussi des coquilles, souvent avec l’animal vivant, soit d’une seule espèce de Mollusques, Planorbes le plus souvent, plus rarement Limnées, Physes, Paludines, soit de plusieurs espèces mêlées. On trouve aussi attachés à la soie des fourreaux d’espèces plus petites de Phryganiens, encore munis de leurs habitants. On peut dire que les larves de la phrygane flavicorne ont en réalité la plus complète indifférence pour le choix des objets servant à construire les fourreaux, car on trouvera des étuis de toutes les matières à côté les uns des autres.