Maurice Girard, Traité élémentaire d’Entomologie, tome II, Paris J.-B. Baillière, 1879, p. 530-531.
L’instinct porte les larves de Phryganiens, dès leur naissance, à s’entourer de fourreaux. Chaque espèces choisit ses matériaux, et les dispose suivant une loi régulière et prédestinée. Les principales variations de forme de ces étuis sont dues aux matériaux divers employés. Les espèces qui se servent de pierres ou de sable ont des étuis plus réguliers et plus constants que celles qui emploient des matières végétales. Chez Phryganea varia, la larve se sert de brins d’herbe, tous de même longueur, qu’elle dispose parallèlement les uns aux autres en spirale régulière. Le Limnophilus rhombicus dispose transversalement des brins de bois ou des débris végétaux ; le L. lunatus ou lunaris se sert des mêmes matériaux mais les assemble longitudinalement. Le L. flavicornis emploie volontiers de petites coquilles, ainsi de Planorbes très-jeunes, pour constituer son étui, et souvent les mollusques continuent de vivre. Réaumur racontant ce fait ajoute : « Ces sortes d’habits sont jolis, mais ils sont de plus très singuliers en ce qu’ils sont quelquefois faits d’animaux vivans. Un sauvage qui au lieu d’être couvert de fourrure, le seroit de rats musqués, de taupes, ou d’autres animaux en vies, auroit un habillement bien extraordinaire : tel est en quelque sorte celui de nos teignes. » D’autres larves se servent de pierres : ainsi Phryganea striata compose primitivement son étui de feuilles, puis à mesure que la larve grandit, le répare et l’augmente avec des pierres à peu près égales de sorte qu’il finit presque toujours par être entièrement pierreux ; de même pour les Stenophylax pilosus et negricornis, Pict. Il en est dont les étuis sont façonnés avec des grains de sable : ainsi, chez Leptocerus bifasciatus, de sable fin et de petites pierres ; chez Mystacides nigra et atra, de débris et de grains de sable en y ajoutant parfois des brins de bois ; chez Sericostoma collare, de petits grains de sable et de très-petites pierres.
Au reste, l’instinct de construction paraît perfectible, laissant parfois entrevoir une lueur d’intelligence. Ainsi une larve habituée à se faire un étui de pailles ou de feuilles, mise dans un vase où il n’y a que des petites pierres, finit par s’en servir pour se construire un étui inaccoutumé. Dans les fourreaux à brins transversaux, ces brins sont attachés d’une manière régulière, tangentiellement à l’étui soyeux, en hélice très-serrée. Les étuis sableux sont souvent un peu arqués à l’extrémité. Ceux de sable très-fin ne peuvent être faits par les larves qui n’en ont pas l’usage naturel ; elles meurent sans rien fabriquer, si on ne leur donne, dans l’eau où on les conserve, du sable très-fin. Pour faire sortir une larve entière de son étui, et c’est ce que savent très-bien les pêcheurs à la ligne, il faut la pousser par derrière avec une pointe mousse, afin de rompre l’adhérence des crochets anaux. Elle cherche à rentrer dans son étui par la plus large extrémité, celle de la tête, mais doit alors se retourner, ou couper l’étui et le modifier.
Les fourreaux des larves de Phryganiens de la section qui nous occupe sont toujours cylindroïdes, ordinairement plus larges en avant qu’en arrière. Ils sont toujours formés à l’intérieur par un tissu fin et assez fort, bien lisse, produit par la soie que la larve fait sortir des filières qui durcit promptement à l’eau et acquiert beaucoup de solidité. Les glandes à soie se détachent de sa bouche chez la nymphe, diminuent peu à peu de volume et disparaissent par résorption. Quand la larve marche, elle sort du fourreau la tête et les pattes thoraciques, les seules qu’elle possède, ses tubes branchiaux de l’abdomen étant repliés transversalement sur le dos, de façon à ne pas être froissés par le fourreau. Elle traîne alors son fourreau derrière elle, comme le Limaçon sa coquille ; mais, si on l’inquiète, elle y rentre tout son corps, et l’étui semble inhabité. Pour fabriquer un étui, de pierrailles par exemple, la larve nue se promène au fond pour reconnaître et choisir ses matériaux. Elle fait ensuite une voûte de deux ou trois pierres plates, soutenues et liées par des fils de soie, et se loge en dessous. Puis elle choisit les pierres une à une, les tient entre ses pattes et les présente comme un maçon, de sorte que chacune entre dans l’intervalle des autres et que les surfaces planes soient intérieures. Quand la pierre est bien placée, la larve colle par des fils de soie aux pierres voisines. Elle commence l’étui par sa région postérieure. Les étuis de petites pierres, les plus longs à faire, demandent cinq à six heures.