Pierre-P. Grassé, Traité de Zoologie, Anatomie, Systématique, Biologie, tome X., Paris, Masson, 1951, pp. 157-159.
Abris, fourreaux pièges.
Toutes les larves éruciformes et quelques campodéiformes (Glossosomatinae et Hydroptlidae) bâtissent des abris mobiles où elles se logent et qu’elles traînent avec elles en se déplaçant. Les autres sont ou dépourvues de tels abris et mènent une vie errante ou bien, plus sédentaire, se construisent des abris fixes, en soie, où elles demeurent.
L’abri, ou fourreau mobile, des premières consiste essentiellement en un étui cylindroïde ou conique, ouvert aux deux extrémités, tissé avec le produit des glandes labiales séricigènes. Cet étui peut-être fait uniquement de la sécrétion soyeuse (divers Leptoceridae) ; plus souvent, il constitue le revêtement interne d’un abri bâti pat la larve avec des matériaux divers reliés par le produit glandaire. La trame du revêtement interne peut être régulière ou non. Chez Brachycentrus, les fils sont disposés en long dans une couche profonde et en travers, circulairement, dans une assise superficielle. Plusieurs couches longitudinales et circulaires alternent chez Micrasema longulum Mc.L. Chez les Goerina et les Stenophylax, les fils s’enchevêtrent en tous sens.
Suivant la nature des matériaux employés, on peut distinguer deux types principaux de fourreaux : les fourreaux végétaux et les fourreaux minéraux.
Les fourreaux végétaux les plus simples sont des segments de tiges creuses (Agrypnia) ou creusées par la larve (Ganonema) (fig. 178, a). Les Phryganea bâtissent un étui presque cylindrique avec des fragments de feuilles qu’elles découpent et disposent suivant une spirale régulière (fig. 178, b). Beaucoup de Limnophilidae utilisent des fragments de brindilles disposés longitudinalement (Grammotaulius atomarius F.) (fig. 178,c) ou transversalement (Limnophilus rhombicus L., fig. 178, d et e). (*)
Les fourreaux minéraux sont construits en menues pierrailles (Stenophylax, fig.30,f) , en gravier plus ou moins fins (divers Limnophilus), en arène grossière (Apatania), en sable fin ( Odontocerum et nombreux Leptoceridae, fig. 178,g). Ils sont droits chez la plupart des Limnophilidae et courbes chez beaucoup de Leptoceridae.
Certaines espèces ont des fourreaux différents de ces formes fondamentales : ils sont à section quadrangulaire chez les Brachycentrinae (fig. 179, j), larges et plats, recouverts de grands morceaux de feuilles chez Glyphotaelius pellucidus Ol. (fig. 179, i). Les fourreaux arénacés de Molanna et surtout ceux de Thremma sont aplatis et évoquent la forme d’une coquille d’Ancyle. Les fourreaux spiralés des Helicopsyche (fig. 179, l) miment si bien des coquilles de Gastéropodes que certains ont été décrits pour tels, en 1834, sous le nom de Valvata arenifera par Isaac Lea. Les Glossosomatinae ont un fourreau en coupole ovalaire, à base plate et à ouverture placées ventralement. Les fourreaux d’Hydroptilidae sont aplatis latéralement (on les a comparées à des étuis de lunettes) (fig. 179, m). Ils ressemblent aux fourreaux de Tineidae, parmi les Lépidoptères.
Une certaine relation paraît exister entre le type du fourreau et le mode de vie du constructeur. Les fourreaux végétaux, légers appartiennent à des espèces d’eaux stagnantes ou peu courantes, vivant au voisinage de la surface dans la végétation submergée.
Les fourreaux minéraux, plus lourds, seraient l’apanage des formes rhéobies et vivant sur le fond. Certaines de ces larves rhéobies (Goera, Silo, fig. 178, h) ajoutent à leurs fourreaux quelques pierres plates, plus grosses. Ces « matériaux de surcharge » alourdissent encore le fourreau et en modifiant la forme. Ainsi la résistance au courant se trouverait facilitée ; ce serait là une disposition adaptative.
Ailleurs, des dispositions analogues ont une signification plus incertaine : les Anabolia, en eau peu courante, ont un fourreau cylindrique, en grande partie minéral, flanqué de quelques longues brindilles (fig. 179, k) ; on a vu là tantôt une surcharge, tantôt un allégement, tantôt enfin un dispositif équilibrateur. Drusus discolor Ram. Ajoute sur le côté de son étui sableux quelques brins végétaux obliques ; ne pouvant voir là une surcharge on a voulu y reconnaître un dispositif d’ancrage ou de freinage.
Le plan des fourreaux, leur forme, la nature de leurs matériaux sont, dans une certaine mesure spécifique. Mais cette spécificité est sujette à des variations d’amplitude diverses.
Les plus variables sont ceux de Limnophilidae stagnicoles : ainsi Limnophilus flavicornis F. bâtira, suivant les circonstances, en brindilles végétales, en gravier avec mélange de graines ou même en coquilles de Mollusques, Limnées, Planorbes ou petit Helix (fig. 178, e). Les matériaux peuvent varier avec l’âge de la larve ; Stenophylax nigicornis Pict. aux stades jeunes, utilise de menus graviers, et des fragments de feuilles à des stades ultérieurs.
Les fourreaux arénacés des Sericostomatidae et Leptoceridae varient peu et il en est, en général, de même pour d’autres espèces rhéobies.
Expérimentalement, on peut obtenir la construction de fourreaux en matériaux inhabituels, tels que des perles de verre colorées. Ces expériences montrent aussi que les larves jeunes sont capables de faire un choix de matériaux plus variés que les larves âgées.
(*) Ce sont ces fourreaux de brindilles ou de bûchettes qui ont valu les noms de porte-bois, porte-faix, cherfaix, casets, etc., donnés par les pêcheurs à ces larves dont ils se servent come appât.