Une grande industrie

Jean Victor Audoin et autres, Dictionnaire Classique d’Histoire Naturelle, tome VII, Paris, Rey et Graviers, 1825, p. 43, et tome XIII, Paris, Rey et Graviers, 1828, p. 438-440.

Frigane

On désigne sous ce nom un genre de l’ordre des Névroptères que la plupart des entomologistes écrivent Frigane, d’après la traduction qu’a donnée Geoffroy du mot Phryganea de Linné. Ce nom latin, dérivé du grec, doit être écrit en français Phrygane, et l’usage n’a pas tellement prévalu qu’on ne puisse lui substituer son orthographe véritable. Déjà Dumesril a relevé cette faute grammaticale, et nous croyons qu’un dictionnaire d’Histoire Naturelle doit avant tout signaler et rectifier les erreurs introduites dans le langage de la science. Nous traiterons par conséquent ce genre curieux au mot PHRYGANE.

Jean Victor Audoin et autres  , Dictionnaire Classique d’Histoire Naturelle, Tome VII, Paris, Rey et Graviers, 1825, p.43.

Phrygane
../…Vers hexapodes, qui ne tardaient pas à se construire de petits fourreaux, qu’ils entourèrent du limon qui s’était formé au fond de l’eau. Ce fut pour l’auteur une marque certaine du genre de ces larves. Les larves des Phryganes ont été connues d’Aristote et de Pline, qui les ont regardées comme des Teignes : ils leur ont donné le nom grec de Xylophtoros traduit du latin par Ligniperda, quoiqu’elle ne gâtent pas le bois. Ces larves ont reçu aussi des modernes le nom de Charées ; elles vivent toutes dans les eaux ; on les trouve dans les ruisseaux, les étangs et les marais. Elles sont logées dans des fourreaux portatifs, qu’elles font avec de la soie et qu’elles recouvrent de différentes matières; elles les traînent partout avec elles…/..
../..Le fourreau dont il a été question à sa partie intérieure lisse et polie, sa partie supérieure est couverte de fragmens de diverses matières propres à la fortifier et à le défendre. Certaines larves font les leurs de différents morceaux, qu’elles arrangent avec symétrie les uns auprès des autres. Quand ce fourreau devient trop court ou trop étroit, elles en font un autre d’une grandeur proportionnée à leur corps; quelquefois le neuf diffère, beaucoup de celui qu’elles ont quittés; ces différences dépendent des matériaux qu’elles ont eu à leur portée en le faisant. Elles y emploient des feuilles de plusieurs espèces de plantes, de petits bâtons cylindriques, ou irréguliers, des tiges de plantes, des roseaux, des brins de joncs, des graines de terre, des coquilles aquatiques enfin toutes les matières qu’elles trouvent dans l’eau. Ces fourreaux sont ouverts aux deux extrémités ; l’ouverture par où la larve fait sortir sa tête et ses pates est la plus grande. Presque tous les fourreaux recouverts de feuilles sont plats, mais on en voit rarement de cette forme; le plus souvent ils sont cylindriques. Les fourreaux construits avec des pierres ou des coquilles, deviendraient un fardeau pour l’Insecte s’il était obligé de marcher toujours sur la terre mais comme il doit marcher, tantôt au fond de l’eau, tantôt à sa surface et sur les Plantes qui y croissent, il coûte peu à porter, si les différentes pièces qui le composent sont d’une pesanteur à peu près égale à celle de ce liquide : c’est ce qu’il semble se proposer en y attachant des corps dont la pesanteur spécifique est moindre que celle de l’eau. La construction de leur fourreau fait voir que ces larves ont une grande industrie, mais c’est dans la manière dont elles le ferment avant de se métamorphoser en nymphes, qu’elles méritent l’admiration.