Maurice Girard, « Les phryganes et leurs fourreaux », La Nature, G. Masson, Paris, 1877, p. 55-56
Dès leur naissance larves de Phryganes sont portées par l’instinct à s’entourer de fourreaux. Chaque espèce choisit ses matériaux, et les dispose suivant une loi régulière et prédestinée. Les substances diverses employées amènent les principales variations de forme de ces étuis. Les fourreaux sont plus réguliers et plus constants chez les espèces qui se servent de pierres ou de sable que celles qui emploient des matières végétales. Chez Phryganea varia, Fabr., la larve se sert de brins d’herbe, tous de même longueur, qu’elle assemble parallèlement les uns aux autres en spirale régulière.
Le Limnophilus rhombicus, Linn., dispose transversalement des brins de bois ou des débris végétaux. Le Limnophilus. lunariase sert des mêmes matériaux mais les assemble longitudinalement. LeLimnophilus flavicornis, Pictet, utilise volontiers de petites coquilles, ainsi de Planorbes très-jeunes, pour édifierson étui, et souvent les mollusques continuent de vivre. Réaumur racontant ce fait ajoute : « Ces sortes d’habits sont jolis, mais ils sont de plus très singuliers en ce qu’ils sont quelquefois faits d’animaux vivans. Un sauvage qui au lieu d’être couvert de fourrure, le seroit de rats musqués, de taupes, ou d’autres animaux en vies, auroit un habillement bien extraordinaire : tel est en quelque sorte celui de nos teignes. » D’autres larves se servent de pierres : ainsi Phryganea striata, Linn. Dont nous figurons l’adulte façonne primitivement son étui avec des feuilles, puis à mesure que la larve grandit, le répare et l’augmente avec des pierres à peu près égales de sorte qu’il finit presque toujours par être entièrement pierreux ; Il en est de même pour les Stenophylax pilosuset negricornis, Pict. Certaines Phryganes ont les étuis façonnés avec des grains de sable : ainsi, chez Leptocerus bifasciatus, Fourcroy de sable fin et de petites pierres ; chez Mystacides nigraLinn. et atraPictet de débris et de grains de sable en y ajoutant parfois des brins de bois ; chez Sericostoma collare, Schrank de petits grains de sable et de très-petites pierres.
Il semble au reste que l’instinct de construction soit perfectible, laissant entrevoir parfois une lueur d’intelligence. Ainsi une larve habituée à se faire un étui de pailles ou de feuilles, mise dans un vase où il n’y a que des petites pierres, finit par s’en servir pour se construire un étui inaccoutumé.
Les fourreaux des larves de Phryganes sont toujours cylindroïdes, ordinairement plus larges en avant qu’en arrière. Ils sont toujours formés à l’intérieur par un tissu fin et assez fort, bien lisse, produit par la soie que larve fait sortir de ses filières et qui durcit promptement à l’eau, de façon à acquérir beaucoup de solidité. Les étuis sableux sont souvent un peu arqués à l’extrémité ; ceux en sable-très-fins ne peuvent être faits que par les larves qui en ont l’usage normal, de sorte qu’elles meurent, sans rien fabriquer, si on ne leur donne dans l’eau où on les conserve, su sable très-fin.
S’il s’agit de façonner un étui, de pierrailles par exemple, la larve nue commence par se promener au fond de l’eau, pour reconnaître et choisir ses matériaux. Elle fait ensuite une voûte de deux ou trois pierres plates, soutenues et liées par des fils de soie, et se loge en-dessous. Puis elle choisit les pierres une à une, les tient entre ses pattes, et les présente comme le ferait un maçon, de sorte que chacune entre dans l’intervalle des autres, et que les surfaces planes soient intérieures. Quand la pierre est bien ajustée, la larve la fixe par de fils de soie, aux pierres voisines. Elle commence l’étui par sa région postérieure. Les étuis de petites pierres demandent cinq à six heures, et ce sont les plus longs à construire