Victor Rendu & Ambroise Rendu, Nouveau spectacle de la nature ou Dieu et ses œuvres, Paris, Éditions Pïtois-Levrault, 1840, p. 22-23.
La larve des phryganes, en butte à une foule d’animaux aquatiques, avides d’une nourriture délicate et facile à saisir, dénuée de tout moyen de leur échapper par la fuite, de leur résister par la force, sait pourtant déjouer toutes leurs ruses par les ressources de son art. Elle se file un tuyau de soie imperméable, qu’elle revêt à l’extérieur de matières diverses qui lui donnent une apparence bizarre ; tantôt elle coupe des brins d’herbes menues, tantôt des morceaux de feuilles, qu’elle colle sur le cylindre creux qu’elle habite, et qui se confond ainsi avec les plantes environnantes. Si elle a découvert un débris de roseau fendu, elle en rejoint les morceaux, et sa demeure ne diffère plus d’une tige tronquée. Quelquefois, elle coupe des bûchettes d’égale longueur, pour les coller sur le fourreau, ou longitudinalement, et alors le fourreau ressemble à un rouleau cannelé ; ou transversalement, et il paraît une figure géométrique régulière, représentant une suite de polygones circonscrits autour d’une série de cercles.
Les phryganes, qui vivent dans les eaux claires et rapides, trouvent moins de végétaux autour d’elles, mais plus de gravier et de coquillages ; pour éviter d’être entrainées par le courant, elles collent à leur fourreau de petites pierres, de petits limaçons aquatiques, de petites moules. Quelquefois les habitants de ces coquilles, vivants encore, sont ainsi fixés malgré eux à la demeure de la phrygane, et font de vains efforts pour se dégager de leurs chaines ; ils sont condamnés à servir jusqu’à la fin de garde et de défense à l’endroit insecte qui a su les rendre captifs.