André Talmont, Histoire des chenilles, Limoges, Marc Babou, 1884, p. 114-116
La lentille d’eau est une de nos plus petites plantes ; ses feuilles, presque rondes, n’ont guère plus de diamètre que la tête d’une grosse épingle ; sa tige n’est qu’un filet délié.
Les eaux croupissantes sont souvent couvertes de cette végétation qui forme, à leur surface, un tapis du plus beau vert.
Au-dessous des feuilles de la lentille, on trouve une chenille plus petite que la précédente. Logée dans une coque de soie blanche recouverte de toutes parts de petites feuilles, elle est rase et d’un beau brun.
Une de ces chenilles avait été jetée dans un vase plein d’eau dont la surface était couverte de feuilles de lentilles. On avait aussi placé dans le vase le restant de l’espèce de tuyau d’où on l’avait tirée et qui avait été raccourci et fendu.
Sur le champ, elle entra dans ce reste informe de tuyau, et elle travailla aussitôt à le réparer, à l’allonger ; en un mot, à en faire un logement spacieux et solide.
Elle sortait en partie de son fourreau délabré ; la tête allait saisir quelquefois une seule feuille de lentille, quelquefois la plante entière ; elle retournait ensuite en arrière et entraînait avec elle ces matériaux ; elle les appliquait contre les débris de son ancien fourreau et les y assujettissait au moyen de plusieurs fils de soie. L’instant d’après, elle ressortait pour aller chercher, saisir et amener d’autres feuilles.
Quand elle eut réparé la partie supérieure, elle força les feuilles à descendre sous l’eau ; C’est ainsi qu’elle eut bientôt achevé la charpente de l’édifice car les feuilles ne furent d’abord ajoutées et assemblées que grossièrement, laissant de nombreux vides entre elles.
La chenille songea ensuite à perfectionner son ouvrage : Elle faisait passer sa tête dans les vides existant entre les feuilles ; elle arrangeait mieux chaque partie ; elle les rapprochait les unes des autres et remplissait chaque lacune par un tissu de soie qu’on voyait très bien au moyen de la loupe.
Enfin quand elle eut achevé son ouvrage, elle conduisit le fourreau contre la paroi du vase ; elle fixa avec des fils de soie un des bouts de son logement contre l’endroit qu’il touchait.
C’est dans ce logement ainsi préparé qu’elle se transforma bientôt en chrysalide n’ayant rien de particulier.
En ce qui concerne leur organisation, ces chenilles aquatiques sont semblables en tout aux chenilles terrestres.