A. Verrill Hyatt, Mœurs étranges des insectes, traduit de l’anglais par George Montandon, Paris, Payot, 1938, pp. 63-65.
Au bon vieux temps, quand les pirates écumaient les mers de paisibles voiliers devenaient leurs victimes. Mais si les Espagnols et autres armateurs avaient disposé de sous-marins, les boucaniers auraient pu s’y brûler les doigts. Il existe des Insectes, dans le fond des étangs et des rivières, qui construisent des sous-marins et qui, de ce fait, ont peu à craindre des Insectes pirates et autres ennemis. Vous vous direz peut-être que nous ne parlons pas sérieusement en mentionnant des Insectes à sous-marins.
Mais vous n’avez qu’à vous mettre à leur recherche dans le fond d’une rivière ou d’un étang. Approchez votre visage de la surface et regardez de près le fond ! Vous avez toutes les chances de découvrir un certain nombre de paquets de petits bois et de cylindres de petites pierres, mobiles comme s’ils étaient doués de vie. Si vous les sortez, ils se révéleront, cependant démunis de tout pouvoir moteur (Fig. 26). Mais si vous les ouvrez, vous trouverez que chacun de ces petits amas est un tube tapissé de soie douce et luisante, contenant une larve blanchâtre (Fig. 27). C’est la solution de l’énigme, car lorsque la larve à l’intérieur du sous-marin, désire se déplacer, elle avance sa tête et ses pattes antérieures hors du tube et se met à ramper, tirant sa demeure avec elle. Dès l’instant où elle est effrayée ou dérangée, elle se rejette dans son abri où elle demeure cachée et immobile jusqu’à ce que le danger ait passé. De plus, elle manœuvre son sous-marin presque aussi habilement qu’un pilote de submersible. Elle peut le faire monter à la surface, le guider par les plantes et les rocs, le faire plonger au fond, et défier les courants rapides. Ses muscles sont le moteur de l’engin. La nature l’a pourvue de la possibilité d’extraire l’oxygène de l’eau, et, à mesure qu’elle croît en dimension, elle augmente le volume de son sous-marin en tissant de plus en plus de soie, et en ajoutant de nouvelles bûchettes ou de nouveaux petits cailloux aux parois extérieures.
Ces Insectes et leurs demeures peuvent avoir toutes les dimensions et bien des formes différentes.
Le tube de certaines espèces est cylindrique, fait de baguettes disposées en long, tandis que d’autres sont construits comme des cabanes avec des brins de paille et des copeaux placés en croix. Vous les verrez souvent décorés de petites coquilles de limaçons attachées aux parois pour camoufler le tout, et il n’est pas rare que des escargots vivants soient attachés fermement au tube et dans l’obligation de se déplacer selon les caprices de leur maître. D’autres tubes sont entièrement de mousse ou de feuilles ; mais la plupart sont faits de grains de sable ou de menu gravier. Dans ces deux derniers cas, le cylindre est lisse et régulier, mais la performance la plus parfaite est atteinte quand le tube est spiralé ou prend la forme de défense d’éléphant en miniature (Fig. 26).
Les petits êtres qui construisent ces sous-marins, comme demeures mobiles, sont les larves d’Insectes ailés connus sous le nom de Phryganes ou Porte-bois (Caddice fly ou Caddis fly). Leurs larves sont dites Vers de Phrygane ou Charrées (Caddis worms). Mais ce ne sont pas seulement des constructeurs de sous-marins ; plusieurs espèces se révèlent aussi pêcheurs habiles.