Jean-Alfred Agnés, Harmonies de la Nature ou Recherche Philosophiques sur le Principe de la Vie, tome II, Saint-Servan, Aristide le Bien imprimeur, 1861, p. 39-41.
Dans cette impuissance de son organisme présent, elle s’aide, pour en recevoir un supérieur, des ressources qui lui offrent les matériaux qui l’entourent, et si la nature végétale ne les lui fournit pas, elle comble la lacune en prenant ce qui se présente. Les friganes sont remarquables sous ce rapport. Elles se forment des fourreaux de tous les corps qui sont à leur portée, de pierres, de coquillages, de buchettes ligneuses, de brins de gazon, et, ce qui prouve jusqu’à quel point la forme et la couleur de l’insecte sont une dépendance immédiate et tout accidentelle (sauf les grandes lois de la génération qui pourraient bien n’être elles-mêmes que des habitudes) des éléments présents et des circonstances du moment, la couleur de l’insecte parfait paraît être dans ce cas, aussi bien que dans les cas de métamorphoses complète, une résorption de ce fourreau provisoire mêlée aux couleurs de la larve et produisant une teinte nouvelle, une couleur modifiée qui est la nuance propre de l’insecte parfait.
La frigane bimaculée se fait un fourreau en forme de cornet : il est composé de grains de sable mêlés avec du limon. Ces petits fourreaux se trouvent au commencement de l’été couchés horizontalement sur les feuilles du nénuphar…/…
La frigane grande a une larve verdâtre, tachée de carmin sur la partie antérieure. Elle se forme un fourreau avec de petits morceaux de bois disposés longitudinalement sur les côtés du corps et devient d’un brun grisâtre, recomposition assez visible de ses couleurs primitives et des émanations ligneuses devenues prédominantes. Ses ailes supérieures sont d’un brun grisâtres avec des nuances cendrées, une raie longitudinale noire, des taches irrégulières d’un brun obscur et deux points blancs vers l’extrémité ; les ailes inférieures sont transparentes, brunes avec les bords jaunâtres ; les pattes sont d’un brun jaunâtre avec des taches noires ; les antennes sont de la longueur du corps, brunes annelées de gris. Ce jaune et ce noir n’émanent-ils pas de la couleur verte de leur larve dédoublée, et cette même couleur n’est-elle pas mêlée dans ces teintes cendrées, brun grisâtre à la couleur brune des petits morceaux de bois, dont elle s’est entourée ?
La frigane rhombifère, qui a près de deux centimètres de longueur, se fait un fourreau avec des brins de gramen croisés en différents sens qu’elle recouvre de petites pierres et de débris de coquilles. Les afflux rougissants de sa coque se rendent sur le corps de l‘insecte parfait qui se trouve ainsi coloré d’un jaune ardent. Ses ailes supérieures sont d’un jaune un peu brun avec des taches brunes irrégulières.