Xylophthoros

Ulisse AldrovandiPhilosophi et Medici Bononiensis, Historia de insectis, Bologne, 1638.

 

 

Le Xylophthore

4aldrovandi-1638-wIl existe selon le témoignage d’Aristote , un vermisseau baptisé xylophthoros du fait qu’il détruit le bois, nous dirions «  mange-bois », moins saugrenu qu’aucun. Que voudrait dire par ces mots le philosophe, je ne le sais pas très bien. Je pense qu’il faudrait écrire : (plus saugrenu qu’aucun. Il paraitrait vouloir dire qu’il n’existe rien de plus saugrenu ou de plus singulier que l’aspect de ce petit animal et sa constitution. Sa tête mobile sort d’une coquille et derrière elle bougent des pattes (c’est ainsi que Gaza traduit… alors que Wotton traduit : dans la partie supérieure, et je pense que c’est mieux ainsi) ainsi que chez d’autres vers. Le reste de son corps est recouvert d’un mantelet semblable à de la toile d’araignée, et sur cette enveloppe sont fixés des débris végétaux, si bien que lorsqu’il se déplace, ceux-ci semblent se contracter. On doit remarquer que ces débris sont fixés au mantelet naturellement. Et tout comme la coquille chez les escargots, cette protection enferme totalement  ce vermisseau. Il ne s’en sépare jamais naturellement à moins qu’on ne la lui arrache. C’est pourquoi, si on lui enlève son mantelet, il meurt de la même manière que s’étiole un escargot si on lui ôte sa coquille. Enfin, au bout d’un certain temps , il se transforme en chrysalide comme la chenille, et continue à vivre sans bouger. Mais quelle sorte d’animal ailé il en sort, on ne l’a encore jamais observé. Ce ver, comme la chenille, Pline le mentionne sous le nom de teignes qui traînent leur mantelet à la façon des limaçons. Il y a, dit-il, une de ces espèces de teignes qui transporte son fourreau à la façon des limaçons. Mais si on les dépouille des pieds que l’on aperçoit, elles meurent. Si ces animaux se développent normalement, ils font une chrysalide. Le xylophthore dont nous montrons ici un dessin, trouvé dans la souche d’un pin, nous a été apporté par le Frère Grégoire, Capucin. A l’observation, comme il avait été enlevé d’un arbre, il présentait une accumulation d’éclats de bois ou de brindilles soudés ensemble. Et l’homme qui l’avait trouvé m’avait juré qu’il l’avait bien découvert sous cet aspect. On ne constatait de changement que si on l’excitait par un mouvement prolongé ou si on le sollicitait par une manipulation fréquente pour lui faire sortir la tête. Celle-ci était de couleur noire, tachetée tout en longueur de points jaunes, hérissée de deux antennes ou de petites cornes à la façon des escargots, mais plus courtes et noires . Sur chacun des anneaux situés derrière la tête, au nombre de trois, se trouve une paire de pattes. Quand à savoir s’il en avait aussi huit sur la partie inférieure, il ne m’a pas encore été possible de l’observer de façon satisfaisante. Le reste de son corps était recouvert d’une enveloppe formée de nombreuses brindilles collées ensemble. Certaines de ces brindilles de couleur blanche et tachetée de quelques points noirs, de la longueur d’un demi-travers de doigt, avaient un aspect tubulaire. Les autres étaient de couleur sombre et plus pointues. Plusieurs jours après que je l’eus ouvert et eus soulevé les brindilles, il tissa une enveloppe épaisse et laineuse à la façon du bombyx et se transforma en chrysalide. Et enfin se révéla à mes yeux un petit papillon aux ailes sombres, au ventre grassouillet et de couleur rouge : et c’était là l’animal ailé qui s’était jusqu’à ce jour dérobé à Aristote et à tous les autres observateurs des phénomènes de la nature. Nous avons montré ce même xylophthore nu et dégagé de son enveloppe sur une deuxième figure.

J’en présente une autre espèce, tout à fait différente de celle que j’ai décrite, dessinée sur cette deuxième planche et découverte par Malalberg, enfermée dans son abri totalement fait de brindilles et la même, dépouillée de son mantelet. Je montre aussi l’insecte ailé différent d’elle qui en est issu de la même façon que le xylophthore précédemment décrit. C’est une image de ce papillon que nous montrons dans un appendice à cet ouvrage.

NDLR : En 1602, Aldrovandi fait paraître De animalibus insectis libri septem, cum singulorum iconibus ad vivum expressis consacré aux insectes et à d’autres invertébrés.
L’illustration ci-dessus est extraite de l’ouvrage posthume : Philosophi et Medici Bononiensis, Historia de insectis, Bologne, 1638.