Peu de jours suffisent

Jean Alphonse Boisduval & Achille Guenée, Histoire Naturelle des insectes : Species général des lépidoptères, vol 10. Paris, Librairie Encyclopédique de Roret, 1857, p.69-70.

Peu de jours suffisent pour les voir s’accoupler, pondre et mourir : aussi, sous l’état parfait, ces insectes sont-ils dénués de moyens de défense. Mais, en étudiant la manière de vivre particulière à chaque espèce, on voit bien que sa larve use, par instinct, des artifices les plus propres à tromper l’œil de son ennemi.
L’une de ces espèces, par exemple, se développe parmi les roseaux des étangs : elle se file un fourreau d’une matière imperméable à l’eau ; elle coupe des tranches des feuilles de plantes aquatiques ou des brins d’herbes tenues ; elle les colle, suivant leur longueur, sur le cylindre creux dans lequel elle habite, et ressemble ainsi, par la forme et la couleur de son enveloppe, à une tige rompue de la plante dont elle se nourrit.
Une autre, qui se repaît des feuilles des naïades, et en particulier de celles des lemnas et des callitriches, fixe aussi, sur son étui, des fragmens de ces feuilles, qui ne cessent pas de croître, et communiquent le mouvement à ces petits végétaux : la larve de la phrygane paroit les douer d’une nouvelle vie, qui contraste singulièrement avec l’immobilité des eaux dans lesquelles elle séjourne pour l’ordinaire.
Quelques autres attaquent les prêles, les joncs, les graminées aquatiques ; elles en contournent diversement des portions (pl. 28, n°2), et s’en font artistiquement des demeures dans lesquelles leur vie est parfaitement en sûreté.
Enfin une autre espèce, non moins adroite et curieuse à observer (pl. 28, n°2°), se rencontre dans les eaux vives et rapides : pour ne point être entrainée par le courant, elle colle à son fourreau les petits coquillages qu’elle rencontre, en dégorgeant sur elles une humeur visqueuse et tenace, lors même qu’elles renferment encore leurs habitans, qu’elle semble ainsi forcer à devenir ses satellites et ses protecteurs obligés.
Telles sont les ruses au moyen desquelles ces larves, qu’on nomme vulgairement des casets, échappent à la voracité des poissons, qui en sont fort friands .