Charles Bonnet, Contemplation de la nature, Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1769, p. 209.
Quantité de Teignes Champêtres, & de Teignes Aquatiques, car les Eaux ont aussi leurs Teignes, n’entendent point à préparer l’étoffe de leurs vêtemens. Aussi les matières qu’elles mettent en oeuvre, ne sont-elles susceptibles d’aucune préparation.
Des brins de Bois, de petites baguettes, des fragmens de Feuilles, des morceaux d’Ecorce &c. posés en recouvrement comme les tuiles, revêtent extérieurement le fourreau, qui est de pure soye.
D’autrefois il est recouvert de Gravier, de petites Pierres, de morceaux de Bois, de parcelles de Roseau, de petites Coquilles, tantôt de Moules, tantôt de Limaçons, & ce qu’on n’imagineroit pas, les Moules & les Limaçons habitent encore ces Coquilles : enchaînés au Fourreau, ils sont forcés de suivre la Teigne qui les porte où il lui plaît. Une Teigne vêtue ainsi ne ressemble pas mal à certains Pélerins. Celles qui sont couvertes de Bois, de Graviers, de Pierres & d’autres matières aussi lourdes, liées ensemble, ressemblent assez à un Soldat Romain pesamment armé.
Vous jugez bien, que de pareils habits doivent avoir des formes très-baroques : il en est pourtant de fort jolis, & où l’arrangement symétrique des matériaux compense un peu leur grossièreté.
Les Teignes Aquatiques trouvent quelques avantages à s’habiller d’une façon si étrange. Il faut qu’elles soyent toujours en équilibre avec l’Eau au milieu de laquelle ils vivent. Si leur fourreau devient trop léger , elles y attachent une petite Pierre ; s’il devient trop pesant, elles y attachent des brins de Roseau.