Jean-Baptiste Bullet, L’Existence de Dieu démontrée par les Merveilles de la Nature, Paris, Chez Valade, 1768, p. 170-171.
Ce ver a sur le devant de la tête plusieurs pointes de couleur d’or au moyen desquelles, il vient à bout de piocher & de ratisser une grande quantité de grains de sable qu’il joint ensuite les uns aux autres avec une espèce de glu, si exactement & si proprement, que les Artistes les plus industrieux qui verraient cet ouvrage, en seraient eux-mêmes étonnés. Le fourreau est d’une forme conique, il est lisse & poli en dedans, mais il est un peu inégal & raboteux en dehors ; cette différence vient de l’adresse que cet insecte a de tourner toujours en dedans les surfaces planes & unies des grains de sable, tandis que les côtés anguleux & scabreux sont tournés en dehors. Peut-on attribuer à une cause sans intelligence une adresse capable d’étonner les industrieux artistes.
Les teignes aquatiques sont des vers à six pieds qui doivent se changer en nymphes, sans sortir de leurs fourreaux. Ils savent que dans cet état ils seront sans aucune défense, exposés à être la proie d’un nombre prodigieux d’autres insectes dont les eaux fourmillent. Un expédient bien simple pourroit les en garantir, s’ils ne connoissoient que le présent, ce seroit de fermer l’entrée & la sortie de leur fourreau ; mais ils savent aussi que l’eau leur sera tout aussi nécessaire dans leur état de nymphe, qu’elle l’étoit auparavant, & même qu’il leur faudra une eau courante qui se renouvelle, & ne soit point exposée à se corrompre : il faut donc que ces deux bouts de leur fourreau restent ouverts. C’est ici le cas où il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Le grondeur y eût été pris ; car celle de nos teignes n’est ni l’une ni l’autre. Un grillage fait de gros fils de soie mis à chaque bout du fourreau, interdit toute entrée aux insectes, & laisse un libre passage à l’eau.