Le tête-à-queue

Christian Denis, « Observations relatives au Comportement des larves de Leptocerus interruptus (Trichoptera-Leptocéridés) lorsqu’elles modifient leur fourreau au cours de l’intermue », Bulletin de la Société Scientifique de Bretagne, tome XLI, 1966.

A-Introduction

Les fourreaux de certaines espèces de Trichoptères se caractérisent par la grande régularité de leur forme et de leur structure. Et plusieurs auteurs se sont attachés à décrire les méthodes utilisées par les larves de Phryganes pour la réalisation de ces constructions. L’étude de la confection des fourreaux édifiés à l’aide d’éléments végétaux disposés en spirale a fait l’objet de plusieurs travaux : Wesenberg-Lund (1911) pour Phryganea grandis, Gorter (1931) pour Triaenodes conspersa et Triaenodes bicolor, Maillet et Carasso (1952).

Le comportement constructeur de Molanna angustata, dont le fourreau est édifié à l’aide de grains de sable, a été décrit par Dembowski (1933). En étudiant la reconstruction du fourreau par les larves de Setodes (tineiformis ?), Carasso et Maillet (1954) ont mis l’accent sur les particularités du comportement de cette espèce qui édifie un fourreau entièrement soyeux.

Personnellement, nous nous sommes intéressés à Leptocerus interruptus, espèce voisine de Setodes tineiformis, et qui possède, comme celle-ci un fourreau entièrement soyeux tout au moins pendant la dernière partie de sa vie larvaire.

Dans le présent travail, nous nous sommes attachés à l’étude du comportement des animaux lorsqu’ils modifient leur fourreau larvaire. Nous décrirons successivement la surélévation de la paroi du fourreau, la formation du revêtement soyeux interne de la paroi et l’élimination de la partie postérieure, étroite du fourreau.

 

B-Matériel et méthodes

Les larves de Leptocerus interruptus, Fabricius ont été récoltées dans l’Illet au lieu dit Chêne-Noblet (entre les localités de Chevaigné et de Saint-Sulpice-la-Forêt). Nous en avons également trouvé dans le canal d’Ille-et-Rance.

Nous avons élevé les larves dans des cristallisoirs dans lesquels nous avions reconstitué au mieux le milieu aquatique naturel de ces animaux : un fond de sable très fin et de détritus végétaux, puis de petits pieds de roseaux (Phragmites communis) munis de nombreuses racines. Ces matériaux avaient été prélevés dans le ruisseau au lieu même de la récolte.

Juste avant la nymphose, les fourreaux mesurent dix millimètres de long et leur diamètre antérieur atteint 1 ou 1,1 millimètres de long contre 0, 45 ou 4,5 millimètre pour leur diamètre postérieur. La taille des grains de sable du fourreau est de l’ordre de 0,05 millimètre.

 

C-Aperçu biologique

Nous avons pu trouver des larves de L. interruptus à partir de la mi-mai (en 1961, 1962, 1963). Elles sont alors accrochées par grappes aux racines immergées de roseaux dont elles se nourrissent. A cette époque de l’année, beaucoup de ces animaux sont parvenus à l’avant-dernier stade de leur développement post-embryonnaire ; certains même ont effectué leur dernière mue larvaire. Les premiers fourreaux nymphaux ont été observés dès la fin mai ; cependant, la plupart d’entre eux ne sont constitués qu’au cours du mois de juin ; Les premiers adultes sont apparus pendant la deuxième quinzaine de juin.

Le fourreau des larves de Leptocerus interruptus ressemble à celui de Setodes tineiformis par la taille et par la forme ; il s’en distingue cependant par le fait que sa paroi est incrustée de très petits grains de sable juxtaposés et abondamment agglomérés par de la soie. Mais, à la fin de sa vie larvaire, L. interruptus édifie la paroi de son fourreau uniquement à l’aide de sa sécrétion soyeuse, rejoignant en cela S. tinineiformis. L’abandon

Du matériau minéral peut intervenir à différents moments. Il se produit soit à une période quelconque de l’avant dernier stade larvaire (quelques fois même à la fin du stade précédent), soit au début du dernier stade larvaire. Cet abandon peut être brutal et définitif ; dans ce cas, le fourreau nymphal présentera deux parties bien tranchées. L’abandon du matériau peut au contraire être progressif ; on observera alors des grains de sable épars sur une zone plus ou moins importante du fourreau nymphal.

Nous ne rechercherons pas ici les causes profondes du changement dans le comportement constructeur des larves de L. interruptus au cours de leur vie larvaire. Nous tenons toutefois à faire remarquer que ces animaux cessent d’incorporer des grains de sable à leur fourreau à partir du moment où ils se trouvent accrochés aux racines de roseau. Nous pensons qu’avant de parvenir au lieu où nous les récoltons, ces animaux vivent plus en profondeur, au niveau du lit du ruisseau et peut-être dans des zones différentes de celles où nous les trouvons. Cette constatation nous paraît importante, car elle met en évidence une migration verticale des Insectes au cours de leur vie larvaire. L’intérêt de cette migration est d’autant plus grand qu’elle s’accompagne d’une modification du comportement constructeur des larves.

 

D-Etude du comportement des larves de Leptocerus Interruptus

 

I.- La surélévation de la paroi du fourreau

Pour accroître la longueur et le diamètre de son fourreau, la larve procède par courtes périodes de construction de deux à trois minutes chacune séparées les unes des autres par des intervalles de plusieurs heures. Après chaque mue, les premiers dépôts de matériau (grains de sable et soie) se produisent en général au niveau de la partie ventrale du bord antérieur du fourreau. Le comportement constructeur présente deux modalités différentes selon que la larve incorpore ou non des grains de sable au fourreau. Nous allons étudier successivement ces deux modalités.

 

  1. Etude d’une période de construction où la soie est le seul matériau utilisé

Dans chaque période de construction, on distingue plusieurs actes successifs.

a) L’accrochage de la larve à un support (fig.1)

Rappelons que les larves sont presque constamment agrippées à une racine de roseau ; elles le sont toujours de façon à ce que l’axe de leur fourreau soit parallèle à celui du support.

L’animal enserre le support à l’aide de ses pattes moyennes, tandis que ses pattes postérieures s’orientent parallèlement à l’axe du fourreau et que ses pattes antérieures s’agrippent au bord de ce dernier ; puis il marque un bref temps d’arrêt. A ce moment, le plan de symétrie du corps de la larve coïncide avec celui du fourreau.

b) La rotation imprimée au fourreau

Maintenant la larve imprime à son fourreau un mouvement de rotation. Ce pivotement est obtenu de la manière suivante : les crochets des appendices anaux lâchant prise, l’abdomen présente un mouvement de torsion tandis que les mamelons du premier segment abdominal, turgescents, sont en contact étroit avec la paroi du fourreau. La torsion de l’abdomen étant terminée, la larve écarte ses appendices anaux dont les crochets s’agrippent à nouveau à la paroi du fourreau et contracte ses mamelons. Un mouvement de sens inverse du précédent fait disparaître la torsion abdominale et provoque en même temps une rotation du fourreau. Les pattes antérieures lâchent prise momentanément pendant le pivotement. Plusieurs mouvements de rotation peuvent se succéder.

c) Le rognage du bord antérieur du fourreau

Enfin, on observe parfois des mouvements de rognage, avant que la construction débute. Ces mouvements ne durent que quelques secondes ou une minute au plus. Les mandibules attaquent alors la zone apicale du fourreau, ce qui a pour effet d’arracher quelques fils de soie. Des traces de rognage peuvent ainsi être observées de-ci de-là sur le fourreau.

d) La pose des fils de soie.

La larve pose des fils de soie au niveau de la zone de la paroi située entre la position de ses pattes antérieures. La tête de l’animal est alors animée de mouvements peu amples de balancement tels que la pointe du labium, où s’ouvre la filière, décrit des boucles croisées qui se développent alternativement vers la droite et vers la gauche.

Chaque période de filage se subdivise en courtes phases de travail continu (de 5 à 20 secondes) au cours desquelles la tête se relève lentement simultanément à ses mouvements de balancement. Après chacune de ces phases, l’animal abaisse donc sa tête.

La larve pose de la soie plusieurs fois au même emplacement au cours de plusieurs phases consécutives. Toutefois, la zone du dépôt se déplace peu à peu vers l’avant en raison de l’exhaussement de la paroi.

Le mode de construction est tel que l’agrandissement du fourreau semble se réaliser par l’adjonction de très nombreuses petites écailles profondément imbriquées. Nous matérialisons par le terme d’’écaille, le résultat du travail effectué au cours d’une phase de construction). Carasso et Maillet (1954) ont observés des faits analogues chez Setodes.

L’activité constructrice cesse après un brusque ralentissement des mouvements de la larve.

e) Le nouveau rognage du bord antérieur du fourreau.

L’arrêt de la construction peut donner lieu à une nouvelle phase de rognage dont les caractéristiques sont identiques à celles de la précédente.

Remarque- Les pattes antérieures sont animées de séries de mouvements courts et rapides, pendant toute la période de construction.

 

  1. Etude d’une période de construction où intervient la fixation d’un grain de sable.

 

Lorsque la larve utilise des grains e sable pour construire son fourreau, elle se trouve au niveau de la couche de détritus et de sable qui recouvre le fond de l’aquarium. Dans ce cas, les pattes moyennes ne s’accrochent pas à un support, mais les pattes postérieures adoptent la même posture que précédemment et, de même, elles demeurent immobiles. La phase de rognage peut également avoir lieu.

La période de construction proprement dite débute par la recherche d’un grain de sable. Les pattes antérieures de la larve exécutent tout d’abord des mouvements de grande amplitude ; puis leurs mouvements deviennent peu amples tandis qu’ils accélèrent. A ce moment, l’animal saisit un grain de sable et l’amène au contact du bord du fourreau. La larve présente alors des mouvements de balancement de la tête, identiques à ceux que nous avons déjà décrits, et fixe le gain sur le fourreau par un épais feutrage de soie. Le filage s’effectue, là encore, par courtes phases successives de travail continu.

Au cours des périodes de constructions que nous avons pu observer, la larve ne fixait qu’un seul grain de sable sur son fourreau, mais nous n’affirmons pas pour autant que ce fait est général car nous n’avons pu suivre que dans quelques cas le travail de l’animal. Ce der nier est, en effet, souvent enfoui dans la couche de détritus.

II. La formation du revêtement soyeux interne de la paroi du fourreau

 

Le fourreau des larves de Trichoptères comprend essentiellement deux parties : une paroi constituée en général par un assemblage d’éléments végétaux ou minéraux, reliés entre eux par de la soie et un épais feutrage de fils de soie doublant intérieurement la paroi.

Nous avons observé la formation de ce revêtement soyeux interne chez plusieurs espèces de Trichoptère (1°) et constaté qu’elle résultait de l’intervention de plusieurs périodes de filage totalement séparées des périodes de surélévation de la paroi.

Il nous a paru intéressant de constater la formation d’un revêtement soyeux interne dans le cas de Leptocerus interruptus, et ceci même lorsque la paroi du fourreau était entièrement édifiée à l’aide de fils de soie. Carasso et Maillet (1954) signalent que les larves de Setides doublent intérieurement la paroi de leur fourreau, mais ils ne précisent pas la nette séparation temporelle des périodes de surélévation de la paroi, de celles où est constitué le revêtement interne.

Chez Leptocerus interruptus, les périodes de filage se déroulent selon un processus comparable à celui que nous avons observé chez plusieurs autres espèces, mais ici les différents actes du comportement se succèdent d’une manière particulièrement précise.

Voici comment se déroule une période de filage

a) La fixation du fourreau au support (fig. 2)

Lorsque la larve s’apprête à poser des fils de soie, sur la face interne de la paroi de son fourreau, elle fixe toujours au préalable ce dernier au support auquel elle est accrochée. A ce moment la face ventrale du corps de l’animal coïncide avec la face ventrale du fourreau. Les pattes antérieures sont agrippées au fourreau de part et d’autre de l’échancrure ventrale ; les pattes moyennes sont accrochées au support (racine de roseau) ; les pattes postérieures sont étendues parallèlement à l’axe du fourreau.

La larve adoptant cette posture, l’échancrure ventrale du fourreau se trouve au contact ou du moins à proximité du support. Nous remarquons alors tout à coup un imperceptible mouvement de recul de la larve qui se met à poser des fils de soie alternativement sur le bord ventral du fourreau et sur le support. La fixation du fourreau est réalisée rapidement par une dizaine de fils de soie. Les pattes moyennes lâchent alors prise et l’animal présente un court mouvement de retrait. Le fourreau immobilisé est parallèle au support (2).

b) Le pivotement de la larve par rapport au support

L’animal pivote deux ou trois fois sur lui-même et par rapport au fourreau. La rotation est obtenue, comme plus haut, par des mouvements de torsion de l’abdomen, combinés à des mouvements des mamelons et des appendices anaux.

c) Le rognage de la partie antérieure du fourreau

Des mouvements de rognage peuvent se produire à ce moment, comme dans le cas d’une période de construction ; mais, là non plus, ils ne sont pas constants.

d) La pose des fils de soie

Pendant toute la durée du filage, les pates moyennes et postérieures demeurent immobiles. Au début de cette période d’activité, les pattes antérieures sont accrochées au bord du fourreau. Lors du filage, la tête, légèrement incliné sur le côté, présente des mouvements de balancement tels que la pointe du labium décrit des boucles croisées qui se développent alternativement vers la droite et vers la gauche. Là encore, chaque période d’activité se subdivise en courtes phases ( de quinze à vingt secondes) de travail continu, et au cours de chacune desquelles la tête se relève légèrement. Entre deux phases successives, il se produit alors un mouvement d’abaissement de la tête. Mais on remarque au même moment, deux mouvements alternatifs très peu amples, l’un d’extension et l’autre de rétractation du corps : l’animal semble effectuer un soubresaut. Enfin, entre deux phases de travail continu, il intervient parfois un léger pivotement de la larve sur elle-même.

Pendant deux minutes et demie à trois minutes, les mouvements alternatifs du corps demeurent très peu amples, mais la larve montre une tendance à s’enfoncer légèrement dans son fourreau. Les pattes antérieures lâchent alors prise. Le dépôt de soie effectué jusque là intéresse une courte zone de la paroi directement sous-jacente au bord antérieur du fourreau.

Ensuite les mouvements du corps s’amplifient de plus en plus ; l’abdomen se contracte fortement et s’incurve, provoquant un important enfoncement de l’animal dans son fourreau. Après chaque mouvement de retrait, la larve se détend lentement, et c’est pendant ce mouvement qu’elle pose des fils de soie. Durant cette seconde partie de la période de filage, la zone balayée par la filière s’étend sur la moitié environ de la longueur du fourreau. Au cours de chaque phase de travail, la densité des fils de soie posés sur la zone en question est bien moindre que dans le cas précédent. La seconde partie de la période de filage dure de deux minutes ç deux minutes et demie.

e) Le nettoyage des pattes

Lorsque le filage cesse, la larve présente toujours un comportement de nettoyage des pattes. Elle procède de la manière suivante : elle étend une patte vers l’avant puis la ramène vers l’arrière en la faisant glisser entre ses mandibules. Ce comportement se poursuit pendant cinq à dix minutes. Les phases de nettoyage durent de trente à soixante Secondes et se succèdent toutes les une ou deux minutes. Après chaque phase, on remarque des mouvements alternatifs de rétraction et d’extension du corps, analogues à ceux observés pendant le filage ; leur amplitude est très variable.

f) Le sectionnement du point d’attache du fourreau au support

Par un ample mouvement d’extension du corps, la larve tend à émerger à l’avant du fourreau. Elle se met alors à effectuer des mouvements de cisaillement et coupe les fils de soie qui relient le fourreau au support.

III. L’élimination de la partie postérieure, étroite du fourreau

Au cours de la dernière partie de chaque cycle d’intermue (le dernier stade larvaire mis à part), la larve élimine la partie postérieure, la plus étroite de son fourreau. Cet événement peut se produire plusieurs jours ou seulement quelques heures avant l’exuviation.

Cette élimination nécessite l’intervention de plusieurs actes successifs.

a) La fixation du fourreau à un support (fig.2)

Le mode de fixation du fourreau, utilisé ici, est identique à celui que nous avons décrit (p.52)

b) Le premier tête-à-queue de l’animal

La larve se rétracte légèrement dans son fourreau et présente un bref moment de repos ; puis le tête-à-queue intervient. Il se déroule de la manière suivante :

-la larve effectue un court mouvement d’extension du corps ;

-puis son corps, fléchit ventralement par un ample mouvement de reploiement ce qui met la tête et le thorax au contact de l’abdomen (la tête se trouve alors dirigée vers la partie postérieure du fourreau) ;

-la partie antérieure du corps glisse finalement contre la partie postérieure jusqu’à ce que l’animal soit à nouveau étendu dans son fourreau mais orienté vers l’arrière de ce dernier.

c) La réalisation d’une incision circulaire dans la paroi du fourreau (fig.2)

Le niveau de l’incision semble déterminé par la position que la tête occupe lors du déplacement maximum de l’animal vers l’arrière de son fourreau. Le sectionnement est réalisé à l’aide de puissants mouvements mandibulaires ; il intéresse une zone annulaire dont le plan est perpendiculaire à l’axe de symétrie du fourreau.

L’activité mandibulaire se décompose en plusieurs phases (de quelques secondes) de travail continu, séparées par de brefs arrêts. De temps à autre, la tête et les pattes prenant appui sur la partie du fourreau située au-delà de la section, tendent à l’éloigner du reste de leur construction. Ce comportement a déjà été signalé par Dembowski (1933) chez Molanna angustata, et dans les mêmes circonstances.

L’animal travaille pendant une heure environ, pour achever la section circulaire de son fourreau. Ensuite, il présente alternativement des périodes de repos de quelques minutes et des phases d’activité au cours desquelles il régularise le contour du nouvel orifice postérieur de son abri. Cette régularisation est obtenue par quelques mouvements de cisaillement ainsi que par la pose de fils de soie.

d) Le second tête-à-queue de l’animal et le sectionnement du point d’attache du fourreau

Finalement, l’animal effectue un nouveau tête-à-queue et reprend sa position normale dans le fourreau. Aussitôt après, il sectionne les fils de soie qui attachent le fourreau au support.
Remarque.- Il semble bien qu’après un certain accroissement du volume de son corps, la larve ayant agrandi son fourreau n’en utilise plus la partie postérieure devenue trop étroite pour elle. Est-ce donc la présence de ce segment du fourreau qui déclenche les comportements responsables de son élimination ? Plusieurs observations nous amènent à en douter.

-Nous avons remarqué plusieurs fois, dans nos élevages, des larves qui, ayant complétement sectionné leur fourreau, gardaient bien après la mue suivante la partie postérieure, étroite de celui-ci.

-Nous avons observé par contre des larves qui, ayant déjà éliminé la partie postérieure de leur fourreau, présentaient à nouveau les comportements successifs que nous venons de décrire.

Dans ce cas, au cours des mouvements de cisaillements, les mandibules ne faisaient qu’effleurer le bord de l’orifice postérieur du fourreau.

 

E.-Conclusion

Les faits que nous venons de présenter nous permettent de formuler certaines conclusions et de poser quelques problèmes.

  1. La construction de nouveaux segments de fourreau est réalisée en deux étapes différentes. L’animal surélève tout d’abord la paroi de son abri ; et ce n’est que plus tard qu’il tisse la chape de soie qui recouvre la face interne de la paroi.
  2. Toute modification apportée au fourreau fait intervenir des séquences de comportement qui se déroulent selon un protocole particulièrement rigoureux. Chez les autres espèces que nous avons observées (cf. note p. 000, les noms des espèces en question), la succession des phases de comportement, au cours d’un travail donné, n’atteint pas à une telle précision, et la durée des périodes de construction de ces animaux peut varier dans une large mesure.
  3. La larve s’amarre à un point fixe, avant d’apporter une modification à son fourreau. A ce sujet, il est intéressant de remarquer que si la larve s’accroche elle-même au support lorsqu’elle s’apprête à surélever la paroi de son fourreau, c’est ce dernier qu’elle attache au support dans le cas où elle tisse la chape interne de soie. Cette différence de comportement indique que le type de construction qui sera exprimé est déterminé chez l’animal avant même que ce dernier se mette au travail.
  4. Toute activité de l’animal présente un caractère discontinu. Nous l’avons souligné à propos des comportements en rapport avec les modifications du fourreau. Mais, lorsqu’il s’alimente ou lorsqu’il se déplace, l’animal présente là aussi de brefs temps d’arrêt qui interrompent périodiquement son activité.
  5. L’agrandissement du fourreau par l’animal est vraiment déclenché par une modification du rapport des dimensions de l’un à l’autre, en raison de l’accroissement progressif du volume du corps de la larve. Mais nous nous demandons dans quelle mesure l’importance de la construction alors réalisée est liée au besoin d’agrandissement du fourreau. En effet, chaque période de construction ne provoque qu’une surélévation très limitée d’une partie de la paroi, ce qui nous paraît insuffisant pour modifier sensiblement les rapports existant entre l’animal et son fourreau. Autrement dit, nous voudrions savoir pourquoi lorsqu’elle doit agrandir son fourreau, la larve ne le fait pas en une seule étape mais procède par courtes périodes de construction longuement séparées les unes des autres.
  6. Enfin, l’élimination périodique de la partie postérieure étroite du fourreau, semble être un phénomène assez régulier qui pourrait avoir un rôle dans la détermination par l’animal de la longueur du fourreau. Mais pourquoi cette élimination n’intervient-elle que vers la fin de chaque cycle d’intermue et qu’une seule fois au cours d’un tel cycle ? Par ailleurs, pourquoi l’élimination complète de la partie étroite du fourreau n’est-elle pas obligatoire ? Dans des travaux ultérieurs nous essaierons d’apporter une solution aux problèmes que nous venons de soulever.

 

Notes

  1.  Nos observations concernent : Limnophilus lunatus, L. centralis, L. rhombicus, Halesus gigitatus, Adicella reducta, Mystacides nigra, Athripsodes cinerea, Sericostoma personatum, Notidobia ciliaris, Lepidostoma hirtum et d’autres espèces non déterminées.
  2. Nous avons observé la fixation du fourreau au support dans les mêmes conditions, chez Limnophilus lunatus, L. centralis, L. rhombicus Adicella reducta, Mystacides nigra, Athripsodes cinereus, Lepidostoma hirtum.

 

Christian Denis, « Observations relatives au Comportement des larves de Leptocerus interruptus (Trichoptera-Leptocéridés) lorsqu’elles modifient leur fourreau au cours de l’intermue », Bulletin de la Société Scientifique de Bretagne, tome XLI, 1966.