André-Marie Constant Duméril, « Rapport verbal sur un ouvrage publié à Genève par M. Pictet, et ayant pour titre : Recherches pour servir à l’histoire et à l’anatomie des Phryganides », Travaux Académiques, Académie des Sciences. Séance du 29 septembre. Gazette Médicale de Paris , vol. 2, 1834, p. 634-635.
M. Duméril fait un rapport verbal sur un ouvrage publié à Genève par M. Pictet , et ayant pour titre : Recherches pour servir à l’histoire et à l’anatomie des Phryganides.
C’est un familier d’insectes à quatre ailes en réseau, des plus curieuses par la manière dont leurs larves se nourrissent dans l’eau et savent se mettre à l’abri de la voracité des poissons, qui en sont très friands. Ces sortes de chenilles, qu’on a nommées des teignes aquatiques, sont bien connues des pêcheurs, qui les recherchent pour amorcer leurs lignes. La plupart des espèces se construisent une sorte de fourreau de soie qu’elles recouvrent de diverses sortes de corps étrangers, chacune les choisissant avec un instinct admirable, de telle sorte qu’ils soient le mieux approprié à la nature des eaux au milieu desquelles doit se passer la première période de son existence.
Cet étui, le plus souvent mobile, cette sorte de demeure portative souvent rendue plus pesante par l’addition de petites pierres ou de coquillages dont les animaux sont encore vivans, est charrié péniblement par l’insecte, et c’est peut-être pour cela que le nom de charrée a été donné par les pêcheurs à la cellule et à l’hermite qui y vit retiré.
Les naturalistes aujourd’hui réunissent ces articulés sous une dénomination générique proposée d’abord par Belon. Le mot de phrygane, emprunté du grec quoique appliqué à toutes les espèces, ne conviendrait, conformément à son étymologie, qu’aux espèces qui revêtent l’extérieur de leur demeure de brins de jonc ou d’autres fragments de plantes aquatiques, de manière à ce que l’ensemble représente un petit fagot.
L’insecte en arrivant à l’état parfait, doit quitter les eaux pour mener une vie aérienne, et la transformation qui s’opère à cette époque est très curieuse à observer.
La nymphe a les ailes, les membres et tout le reste du corps enveloppés dans une gaine simple dont elle doit se dépouiller mais avant de quitter cette tunique, elle abandonne sa maison portative en rompant une des grilles qui en formait la clôture ; elle vient s’accrocher à la tige de quelque plante ou de tout autre corps solide qui émerge de l’eau et se tient à quelques.. de la surface.
Au bout de peu de minutes, on voit son corps se gonfler tout à coup, se boursouffler comme une vessie remplie d’air, sa peau se crève au milieu du dos, et par la fente longitudinale qui se forme sort enfin un insecte ailé dont les formes élégantes ne rappellent en rien celles de la lourde charrée.
La phrygane à l’état parfait ressemble à un petit papillon de nuit ; elle porte les ailes .. Elle a des antennes très longues, très mobiles, elle ne vole guère que le soir.
Les espèces appartenant au genre phrygane sont nombreuses et variées. A certaines époques de l’année on les voit éclore par milliers aux environs des rivières et des étangs. La lumière les attire et beaucoup trouvent la mort en se précipitant sur les flambeaux qui servent à éclairer nos habitations.
Le livre de M. Pictet, indépendamment du mérite des recherches et des observations qu’il renferme, est très remarquable par la perfection des figures qui l’accompagnent.
Les entomologistes n’avaient jusqu’ici décrit ou même inscrit dans le genre phrygane que soixante-dix espèces tant d’Europe que d’Amérique ; mais dans le seul bassin du lac Léman, ou lac de Genève, M. Pictet en a recueilli cent vingt. Plusieurs auteurs, Vallisnieri, Réaumur, Degeer et M. Duméril lui-même, avaient étudié les mœurs de quelques espèces de larves. M. Pictet a vérifié tous ces faits, mais il a porté beaucoup plus loin ces recherches. Il a fait l’anatomie d’un très grand nombre d’espèces ; il a dessiné la plupart des individus qui font le sujet de ses observations. Il a suivi l’histoire du développement et des mœurs de plus de soixante espèces, dont il a donné les figures sous leurs divers états, et surtout avec leurs fourreaux.
L’ouvrage est divisé en deux parties, dont la première est consacrée à un exposé historique des travaux antérieurs sur le même sujet, et à des considérations générales sur la famille des Phryganides. La deuxième comprend la description méthodique des genres et des espèces qu’il a observés dans le bassin du Léman.
Tous ces genres sont établis d’après les rapports observés entre les mœurs des larves et les formes des insectes parfaits ; et autant que possible, ces liaisons ont été confirmées par l’étude de la structure des organes intérieurs.