Théodore Lacordaire, Introduction à l’entomologie, tome I, Paris, Librairie Encyclopédique Roret, 1834, p. 146-147.
Jusqu’ici les habitations que nous avons examinées sont l’ouvrage de larves terrestres ; mais les larves aquatiques, surtout celles des Friganes, en construisent d’autres qui ne sont pas moins remarquables. Il est rare, lorsqu’on observe le fond d’un ruisseau dont l’eau est limpide, qu’on ne voie pas se mouvoir de petits corps ressemblant à des fragments de paille de bois ou de sables ce sont les fourreaux des larves en question, qui sont bien connues sous le nom de charée des pêcheurs, qui s’en servent en guise d’appâts. La forme de ces larves à été décrites précédemment .La construction de leur habitation varie suivant les espèces, quelques-unes choisissent quatre ou cinq débris de feuilles dont elles font un étui polygone, d’autres emploient des débris de tiges de roseaux, qu’elles placent côte à côte, et leur donnant la figure d’un cylindre allongé ; il en est qui arrangent des morceaux de feuilles en spirales autour de leur corps ; certaines d’entre elles les assemblent sans régularité ; enfin quelques-unes se servent de fragmens de bois, soit frais, soit en décomposition. Une des plus intéressantes donne à son fourreau la forme recourbée d’une corne, et le compose de grains de sable si égaux et si artistiquement collées ensemble qu’à la première vue on aurait peine à la croire l’ouvrage d’un insecte. Celle de la Phryganea bimaculata dont la composition plus grossière consiste en un mélange de vase et de sable, a la forme d’une poire, et son extrémité est formée par une espèce de soupape de la même nature, avec une ouverture centrale.
De petites coquilles vivantes servent de matériaux à d’autres espèces etc.
Quelle que soit la nature du fourreau au dehors, il est toujours tapissé de soie intérieurement et cylindrique, et, quoiqu’il paraisse en général seulement de la grandeur du corps de la larve, quelques espèces le font assez spacieux pour pouvoir se retourner et sortir à volonté leur tête par l’une ou l’autre de ses orifices ; celles qui paraissent le plus indifférentes sur le choix des matériaux ne perdent jamais de vue un point important, la gravité spécifique , ne pouvant pas nager, mais étant obligées de marcher au fond de l’eau à l’aide de leurs pattes antérieures, il est important que cette demeure soit d’une gravité spécifique assez voisine de celle du fluide ambiant, pour ne jamais gêner l’animal par son poids ou par sa tendance à surnager ; il est également essentiel que toutes ses parties soient en équilibre, afin qu’elles puissent être faciles à mouvoir dans toutes les directions. Pour arriver à ces deux résultats, nos larves emploient les mêmes moyens que nous ferions nous-même en pareil cas, en ajoutant un débris de feuille ou toute autre substance à leur fourreau s’il est trop lourd ou un grain de sable, une petite coquille s’il est trop léger. De cette nécessité d’équilibrer la gravité spécifique provient sans doute cette quantité de matières en apparences inutiles que revêtent leurs demeures au dehors.