Henri Lecoq, « Réunion extraordinaire à Clermont du 31 août 1833 », Bulletin de la Société Géologique de France, vol 4, Paris, 1834, p. 36-37.
M. Lecoq parle ensuite de la grande formation supérieure des calcaires à phryganes. On les trouve à une assez grande hauteur, puis successivement à des niveaux plus bas ; il paraît que ces insectes se développèrent en immense quantité dans les eaux de cette époque ; comme celles qui existent actuellement dans nos ruisseaux, elles préféraient les eaux réchauffées par les rayons solaires aux eaux froides des sources et des ruisseaux des montagnes. Comme les larves de nos phryganes, elles rassemblaient au fond des eaux, ce qui pouvait contribuer à donner de la solidité à leurs fourreaux. Ainsi les tuyaux d’écorce, les coquilles mortes qui tombaient en abondance sur la vase, étaient aussitôt recueillies, liées par quelque fil de soie, et devenaient, après avoir protégé leur propre animal, l’abri sous lequel ces vers se dérobaient à leurs ennemis. C’est surtout une petite espèce de paludine qui a servi à revêtir les fourreaux de toutes ces phryganes, et maintenant que nous les trouvons incrustés et calcaires, ces paludines bien conservées forment ordinairement la couche inférieure. Les phryganes n’ont pu se développer que sur les bords du lac, dans des eaux peu profondes qui s’échauffaient rapidement, et où pouvait croître un grand nombre de plantes aquatiques ; elles se multipliaient partout sur la rive ouest du lac ; elles s’emparaient des îles dont la pointe était à fleur d’eau, formaient des ceintures autour de celles qui s’élevaient beaucoup au-dessus des vagues, et suivaient longtemps l’abaissement du lac ; enfin, quand celui-ci, déjà sec en Auvergne, n’offrait plus que quelques bassins encore alimentés par des sources minérales, la majeure partie des environs de Vichy et de Gannat, tous les lieux qui avoisinent Aigueperse et Saint-Pourçain, enfin une grande partie du Bourbonnais, se couvraient de phryganes qui ont presque iniquement formé les seules pierres de construction que l’on y rencontre. La multiplication excessive de ces insectes ne permet pas de supposer que l’incrustation ait jamais pu les faire périr ; aussi il faut supposer assez de lenteur au dépôt de calcaire pour que les phryganes aient eu le temps de se développer à l’état de larve, e se changer en nymphe et de quitter ensuite leurs fourreaux pour venir voltiger à l’état parfait au-dessus des eaux qui réunissaient et recouvraient alors leurs fourreaux abandonnés ; il fallait donc que pendant l’espace de deux mois environ la quantité de matières calcaires déposées ne fur pas assez grande pour envelopper l’insecte. Cette quantité serait sassez grande dans cet espace de temps pour incruster une phrygane à Saint-Allyre. Il fallait en outre, ou que les eaux d’alors déposassent les calcaires plus lentement, ce qui n’est pas présumable, ou que les phryganes se développassent plus vite qu‘elles ne le font actuellement ; ou enfin, ce qui est plus probable, qu’elles se tinssent pendant leur vie près des sources calcarifères, qui, comme on le sait, ne commencent à déposer qu’à une certaine distance.
« Maintenant de nombreuses phryganes vivent encore dans les ruisseaux de la Limagne ; elles rassemblent encore les paludines, les planorbes et les cyclades, dont les coquilles deviennent vacantes par la mort de l’animal ; de nombreux cypris habitent avec elles ; les cours d’eau y amènent aussi des hélices, mais le calcaire ne s’y forme plus, et tous ces débris confondus dans la vase qui se dépose journellement ne préparent plus aux géologues futurs dans ces localités les recherches qu’exigent les dépôts plus anciens. »