Fernand Deligny

Fernand Deligny, Lettres à un travailleur social, Paris, L’Arachnéen, 2017, p. 9-10.

Il s’apercevra, quelques années plus tard, serait-ce à son grand étonnement, que ces bribes de connaissances acquises, il s’en targue, agissant en cela comme larve de phrygane qui se fait fourreau de parties mortes de végétaux, de grains de sable ou de petits cailloux et de coquilles vides.

«  Le choix  de la larve- nous dit Karl von Frisch, grand connaisseur en mœurs et matières d’être des espèces du monde animal- en ce qui concerne les matériaux de construction de ce fourreau, est limité à ce qu’elle peut effectivement trouver dans le voisinage. C’est ce qui fait, précisément, que ces fourreaux s’insèrent harmonieusement dans le paysage, en sorte que leurs habitats sont parfaitement camouflés »

 

On me dira qu’il y a une différence entre une larve de phrygane et un travailleur social qui, lui, assimile les connaissances rencontrées sur son chemin, alors que la larve laisse dehors la mosaïque des détritus utilisés.

Reste à savoir si, en l’occurrence, l’assimilation de ces ingrédients est préférable à leur exposition vagabonde. Il n’y a là, de ma part, nul dédain envers les connaissances qui peuvent s’acquérir. Mais pour qui mène tentative, il importe de distinguer dans une telle démarche en quête de l’humain ce qui est fait de société et ce qui relève de la culture.