Alfred Fouillée, L’évolutionnisme des idées-forces, Paris, F. Alcan, 1890, p. 220.
Un mélange de tâtonnements machinal, de hasard et d’intelligence, a pu produire à la longue, par sélection, des instincts parfaits et en apparence merveilleux. La larve des phryganes vit au milieu de l’eau et se construit un étui tubulaire au moyen de divers fragments agglutinés. Si la larve trouve l’étui trop lourd et exposé à tomber au fond de l’eau, elle choisit un morceau de feuille ou de paille au fond du ruisseau pour l’ajouter à l’étui ; inversement, si l’étui est trop léger et manifeste une tendance à flotter sur l’eau, elle ajoute un petit grain pour servir de lest. Il est clair que la larve ne connaît pas la théorie des poids spécifiques ; mais ses ancêtres ont dû procéder par tâtonnement, choisissant une place pour l’étui, ajoutant ou retranchant certaines substances selon qu’il descendait ou montait trop. Tout cet art, semi-intuitif et semi-machinal à l’origine, est devenu à la longue entièrement mécanique par des triages successifs ; il a fini par se fixer et s’enregistrer immuablement dans l’organisation nerveuse de l’espèce.