La structure intime

E. Hubault, « Recherches sur la structure intime des étuis des larves de certains Trichoptères »Annales de Biologie  Lacustre, Bruxelles vol. 13, 1924, pp. 99-105.

La plupart des larves de Trichoptères passent leur vie dans les eaux douces, courantes ou stagnantes, soit à l’intérieur de nasses ou de poches qu’elles tissent, soit à l’intérieur d’étuis qu’elles construisent avec des matériaux récoltés autour d’elles : particules végétales et grains de sable.

Les nasses servent aux premières de pièges pour capturer es proies dont elles se nourrissent ; les étuis servent aux secondes de protection en cas de danger ou d’appareils stabilisateurs pour la lutte contre le courant.

La matière fondamentale qui entre dans la composition de ces diverses constructions est une soie sécrétée par deux glandes séricigènes dont les canaux excréteurs se réunissent en un conduit unique débouchant à l’extrémité de la lèvre inférieure.

Au nombre des larves qui bâtissent des nasses, le gendre Hydropsyche Pict. Construit des réseaux d’une régularité et d’une finesse particulière. Frappé de ces qualités, nous nous demandâmes si, parmi les genres de Trichoptères qui habitent des étuis, nous ne retrouverions pas des exemples de travaux aussi remarquables. Au moyen d’une technique très simple, nous avons pu mettre en évidence la structure intime de certains de ces fourreaux.

En règle générale, ceux-ci sont composés d’une gaîne externe formée de grains de sable, de petits cailloux ou de débris de plantes aquatiques, cimentés entre eux par une couche de soie que la larve émet abondamment au moment de la construction, et dont elle enduit complètement chaque particule avant de l’assembler avec les autres. Le tout constitue un tube résistant.

Une seconde gaîne, interne est un épais feutrage tissé par la larve et qui assure une étanchéité absolue dans certains cas.

Après avoir maintenu un quart d’heure environ ces fourreaux dans l’eau bouillante et les avoir étalés sur une plaque de liège, en opérant sous une couche d’eau, il devient possible de soulever à l’aide d’une fine aiguille lancéolée, les différentes lames de tissus soyeux qui forment la gaîne interne. Pour cette dissection, l’emploi de la loupe binoculaire rend les plus grands services. Les fragments de tissus sont ensuite portés dans une goutte de violet phénique qui colore fortement les fils de soie. Finalement les préparations peuvent être montées dans le baume, après déshydratation. Le travail de la larve apparaît alors nettement sous le microscope.

La famille des Séricostomatides, dont les représentants vivent surtout dans les cours d’eau rapides et froids des régions élevées, nous fournit en particulier, des exemples de constructions très régulières. Brachycentrus montanus KLAP. (Fig.I) bâtit des étuis en forme de troncs de pyramides à bases carrées, très allongés, composés de fins débris végétaux assemblés de façon méthodique, perpendiculairement à l’axe longitudinal du fourreau. La gaîne interne qui tapisse le tronc de pyramide est constituée par quelques épaisseurs d’un tissu soyeux dont les fils sont disposés dans deux directions nettement orthogonale. La larve garnit d’abord l’intérieur de chaque face avec des fils parallèles à l’axe du fourreau ; puis elle complète en tendant d’une arête à l’autre un fil perpendiculaire à la première direction (PL.1, fig. 1)

Les genres Sericostoma Latr. et  Notidobia Steph. (Fig. 2) construisent des étuis composés de fins grains de sable et dont la forme générale rappelle celle d’une corne d’abondance. Le feutrage interne est constitué par des couches successives d’un tissu dont les fils sont assemblés suivant deux directions formant entre elles un angle de 93 à 95° environ (Fig.3).

Faisant osciller la partie antérieure de leur corps d’un mouvement régulier, les larves tendent les fils suivant des courbes régulières à branches sensiblement rectilignes et dont l’allure générale rappelle celle de l’hyperbole. (Fig. 3 et PL. 1, fig. 2).

Un autre type, un peu différent, de structure régulière nous est offert par l’étui de la larve de Micrasema longulum Mc Lachl. (Fig. 4). Le fourreau très long et arqué, est ici entièrement constitué par un feutrage soyeux. Nulle gaîne de matériaux minéraux ou végétaux, la paroi est formée de couches superposées de fils de soie exactement juxtaposés et adhérant étroitement les uns aux autres, sans aucune solution de continuité. Les soies d’une couche sont dirigées, par exemple, perpendiculairement à l’axe du fourreau ; celles de la précédente et de la suivante le sont dans une direction parallèle à cet axe. (PL. 1 , fig. 3). L ‘étui présente ainsi l’aspect d’un fin tube de caoutchouc, mince assez flexible, résistant et complètement étanche. L’eau ne peut se renouveler à l’intérieur que par les ouvertures postérieure et antérieure.
Tels sont des exemples de structures régulières d’étuis.

Chez certains autres, le tissus du feutrage interne est formé de soies jetées par les larves dans toutes les directions. Tels sont, parmi les Séricostomatides, les fourreaux des espèces de  la sous-famille des Goerinae (genre Goera Leach., Silo Curt., Lithax Mc Lachl.). (Séricostomatides), de Triaenodes Mc Lachl. (Leptocerides), ainsi que ceux de certaines espèces du genre Stenophylax Kolen. (Limnophilides) rentrent, eux aussi, dans cette dernière catégorie de types irréguliers. (Fig.6 et pl., fig. 4, 5, 6).

La régularité de construction de la gaîne externe ne paraît pas entrainer pour cela la régularité de construction de la gaîne soyeuse interne. Nous n’en donnerons comme preuve que le fourreau extrêmement régulier de la larve Triaenodes bicolor Curt. C’est un tronc de cône très allongé, constitué de menus débris végétaux assemblés méthodiquement les uns à côtés des autres, suivant leur longueur et en une surface spiralée absolument régulière ( fig.7). Le tissu de gaîne interne est, par contre, composé de fils jetés dans toutes les directions.

Chaque fil de soie est formé de deux rubans intimement accolés suivant leur longueur, ainsi qu’on peut le voir sur la figure 5 de la Pl. 1 en particulier. L’un correspond à la sécrétion de la glande séricigène droite, l’autre à la sécrétion de la glande gauche. La soudure se fait dans le canal impair débouchant à l’extrémité de la lèvre inférieure.