Promenons nous maintenant au bord des eaux

Serge Jacquemart, « Porte-bois, cazet, portefaix, ver d’eau, chairfaix, traîne-bûche ou chalut-bois, le trichoptère doit échapper à la convoitise des poissons ou à celle des pêcheurs avant de devenir la phrygane » La vie des bêtes et l’ami des bêtes, n° 31, juin 1961.

Comme le Bernard l’hermite, ces larves sont extrêmement vulnérables par leur abdomen ; comme lui, elles devront trouver un abri. Deux à trois jours après sa sortie de l’œuf, la larve entreprend la construction de son fourreau ; ce dernier étant d’un type de construction propre à chaque espèce, il affecte les formes les plus diverses et se compose de matériaux soit minéraux, soit végétaux.


Voyons comment la larve de trichoptère arrive à réaliser cette petite œuvre d’art : elle possède deux glandes séricigènes situées sur la lèvre inférieure, elle émet ainsi deux fils de soie qui se collent dès leur sortie. A l’aide de cette sécrétion, elle tisse son fourreau et y fixe les matériaux de constructions. Schématiquement, le fourreau présente la forme d’un cornet, le thorax de la larve sortant par la large ouverture ; l’extrémité est plus ou moins obstruée par la soie, tout en gardant ouvert un pertuis par lequel peut s’effectuer le passage des courants d’eau baignant les branchies. Promenons-nous maintenant au bord des eaux, penchons-nous sur les rivières et les ruisseaux, et observons les réalisations des industrieux trichoptères. Le type classique, cher aux pêcheurs, c’est le fourreau d’anabolia, petit fagot de 3 à 4 cm de long, qui se déplace, sur le fond de la rivière ; il est constitué d’un tube cylindrique de très fines pierrailles, sur les flancs duquel sont fixées des baguettes plus longues que lui, qui font office de camouflage.
Là, où le courant devient plus rapide, nous trouvons d’autres espèces, plus exigeantes en oxygène, mais auxquelles se posent des problèmes hydrodynamiques d’ailleurs résolus avec élégance : les goera par exemple construisent un petit étui de fines pierres, garni d’ailes latérales constituées par des pierres plates qui alourdissent l’ensemble tout en offrant une résistance minime au courant.
D’autres trichoptères tel les sténophylax édifient des étuis très lourds, massifs qui évitent ainsi d’être balayés par l’eau ; les agaptus, grands amateurs également d’eau courante, construisent avec des pierres plates des petits fourreaux à l’aspect de grains de café, qu’ils fixent sur les cailloux : on les compte parfois par milliers dans le lit des ruisseaux.
Les eaux calmes voient la prédominance des étuis végétaux : les phryganes et les limnophilidae. Les premières découpent des morceaux de feuilles qu’elles disposent en spirale, formant ainsi un étui écailleux, cette disposition en spirale se retrouve d’ailleurs chez beaucoup d’espèces. Les limnophilides entrecroisent des petites baguettes obtenant ainsi un fourreau ayant l’aspect d’une pelote hérissée… Ces habits sont légers, ainsi ces larves circulent avec aisance sur le fond et les végétaux aquatiques. Un autre type de construction, des plus curieux celui-là, est le fourreau de glyphotaelius, il est constitué de rondelles découpées très régulièrement dans des feuilles mortes gisant au fond de l’eau. La larve se fait un habit circulaire avec ces morceaux de feuilles et colle au-dessus et en dessous de ce tube 2 à 3 rondelles formant ainsi une forme de sandwich végétal. Si l’étang contient des petits mollusques, on risque de trouver un très joli étui formé de petites coquilles spiralées accolées les unes aux autres. Il existe alors toute une gamme : des étuis en grains de sable, en corne d’abondance, des fourreaux en formes de bonnet phrygien, des étuis de section carrée ou triangulaire, etc. Nous citerons cependant le curieux fourreau d’hélicopsyche, spiralé comme une petite coquille de mollusque et que l’on trouve sur les rochers suitants.