Jacques Felbert, « Etude biologique et géographique sur les Trichoptères », Bulletin de l’Institut National Genevois, Genève, tome XXXVIII, 1909, p. 247-249.
La peau mince de l’abdomen est ainsi pour la larve de Phrygane d’une grande utilité, mais c’est aussi dans cette partie que l’animal est attaqué par des poissons carnassiers ; c’est pourquoi il se protège en cachant son corps dans son étui.
La coquille est souvent construite avec beaucoup d’art ; Odondocerum albicorne, par exemple, une espèce très répandue, sait arranger les petits grains de sable comme une fine mosaïque. A côté de ce type se trouvent des maisons de Halesus tesselatus, grossièrement construites avec des tas de cailloux ou des morceaux de bois, collés les uns sur les autres, montrant quelle force musculaire la larve doit employer pour ramasser ces matériaux, pour les tenir et les porter sur le dos.
Les espèces des eaux tranquilles (Limnophilus politus) prennent souvent, pour construire leurs maisons, des coquilles de mollusques, des Limnées et des Planorbes, alors même que celles-ci sont parfois vivantes.
Très intéressants au point de vue de leur architecture sont les fourreaux de deux espèces des Sericostomatides. La première Helicopsyche sperata sait construire une maison héliciforme, composée de petits grains de sable. C’est ainsi que l’animal a su tromper les naturalistes qui l’ont pris pour un mollusque : Valvata aerenifera (Helicopsyche sperata est une espèce méridionale qui se trouve assez rarement, dans les environs de Lugano).
L’autre espèce, Thremma gallicum, se trouve dans les ruisseaux froids de la Forêt-Noire et, pour bâtir sa demeure, elle suit le même plan que Ancylus fluviatilis pour la sienne. Ce n’est qu’avec beaucoup d’attention qu’on peut distinguer la coquille du limaçon de la maison de la Phrygane.
Brachycentrus subnubilus, espèce très commune dans le Rhône et le Rhin, bâtit un étui de brins de mousse, dont la forme quadrangulaire est très caractéristique. Ecclisopteryx guttulata emploie les feuilles de Fontinalis antipyretica et les arrange comme la plante qui les porte, donnant un exemple de mimikry quelquefois frappant… / …
Plusieurs larves changent toujours pendant leur vie les matériaux de construction ; elles commencent avec des fragments de plantes et finissent avec des pierres. Comme ces bêtes vivent dans l’eau courante, ce changement est bien compréhensible car un étui exclusivement végétal serait trop léger.
La maison typique de Stenophylax nigricornis est construite maintenant presque entièrement de pierres, autrefois elle aura eu possédé des fourreaux bâtis de plantes. Les habitudes des aïeux sont aujourd’hui chez les larves encore assez fortes qu’elles les suivent toujours pendant quelque temps même contre leur propre intérêt. Seulement, au cours de leur vie, elles comprennent qu’une maison de pierres est plus avantageuse, elles changent alors de matériaux et quand l’animal a atteint tout son développement, il porte la coquille typique de l’espèce. Dans ce cas, le développement de l’individu est aussi une courte répétition de celui de sa famille (loi biogénétique). Comme les influences externes restent toujours les mêmes, la première période sera supprimée toujours davantage et disparaître un jour entièrement.
Si l’on n’a pas poursuivi une fois avec attention la construction du bâtiment, on ne peut pas imaginer quel travail immense et quels efforts sont nécessaires pour que la bête puisse achever son œuvre et l’entretenir toujours en on état. Quand les larves éclosent, elles portent déjà une petite maison construite par les membranes et les algues qui entouraient l’œuf, mais déjà 2-3 jours plus tard ces matériaux sont remplacés par des fragments de plantes ou de grains de sable. Les objets sont encore très peu liés, c’est seulement plus tard que l’animal emploie plus de soins pour sa demeure. Pendant toute sa vie il doit agrandir sa maison en la prolongeant par l’ouverture antérieure.