Marcel Lapourré, « La truite au vers d’eau », Paris, Le Chasseur Français, n°615 août 1947, p. 529.
Tous les pêcheurs connaissent cette larve aquatique dénommée suivant les régions : porte-bois, cherfaix, ver de bois, traîne-bûches, etc.
Elle habite dans un petit cylindre formé de graviers, de minces brindilles de bois, qu’elle promène avec elle dans ses pérégrinations sur le fond. En septembre, elle donnera naissance à un insecte ailé, roux, aux ailes en forme de toit, qui vivra sur les arbustes et les buissons de la rive et tombera à l’eau les jours de vent : la phrygane rousse.
Tous les poissons sont friands de cette larve, et la truite, le chevesne chassent avidement la phrygane aux divers stades de son existence. C’est donc un excellent appât, tant à l’état larvaire qu’à celui de subimago. Il est aisé de récolter une ample provision de vers d’eau : il suffit de soulever les pierres immergées ou les branches qui tapissent le fond : on y trouvera en grande quantité toutes les larves nécessaires.
Muni d’une longue canne, légère, à scion effilé, garnie d’un moulinet avec une soie fine et imperméabilisée, terminée par un bas de ligne en queue de rat, avec une racine 3 ou 4 X, verte si possible, en pointe, portant un hameçon no 13, bien ouvert, vous pourrez espérer un beau succès.
Le plombage, consistant en un grain no 6 ou 7, sera placé à 20 centimètres au-dessus de l’hameçon, ou, ce qui est préférable, contre la tête du ver et faisant corps avec lui. Mettez un flotteur ou n’en mettez pas, cela n’a pas grande importance, si vous avez bonne vue et si vous n’êtes pas absolument un débutant. Vous enfilez le ver, débarrassé de son étui, par la tête, et le remontez jusqu’à la palette ; mettez deux vers, s’ils sont petits. Bien prendre soin de ne pas éventrer la larve, qui se viderait tout de suite ; faire suivre l’hameçon sous la peau.
Péchez en remontant le courant, lançant délicatement l’appât en amont ; laissez détendre un peu en dessous de vous, faites un relâché et continuez ainsi en avançant lentement, insistant dans les courants légers ou sur la bordure des grands courants ; les remous sont aussi excellents à explorer. Si vous péchez sans flotteur, évitez de laissez votre ver au fond, déplacez-le sans cesse, sans à-coups. L’attaque est franche, la truite happe vivement l’appât, qui descend, et vous voyez que votre fil, à l’endroit où il touche l’eau, marque un temps d’arrêt ou dérive : un léger coup de poignet et le poisson est ferré.
Voyez-vous une truite ou un chevesne face au courant, battant des nageoires pour se maintenir à son poste de chasse ? Lancez votre ver sur le côté et en arrière — jamais devant le poisson : celui-ci se retournera et saisira vivement l’appât.
L’idéal serait d’avoir une grosse quantité de vers, d’en lancer quelques-uns en tête du courant et de pêcher alors, à la descente, avec une grande longueur de fil ; le ferrage est un peu plus délicat à longue distance, mais, si le fil est bien tendu, le poisson se ferre seul, comme dans la pêche à la mouche artificielle noyée en descendant le courant.
Dans les ruisseaux de montagne, le ver d’eau et la sauterelle sont deux appâts merveilleux. Le goujon, à fond, se pêche aisément avec un petit ver d’eau sur hameçon no 14. Un inconvénient cependant : cette larve est fragile et s’écrase souvent au lancer, surtout si on l’emploie, comme je l’ai si souvent fait, dans les torrents des Alpes ou des hautes montagnes. J’ai résolu la difficulté en fabriquant des vers d’eau artificiels, avec du raphia pour le corps, de la soie noire pour la tête et le corselet, des bouts de crin pour les pattes : c’est parfait comme ressemblance et efficacité. On peut également les confectionner avec un petit tube de caoutchouc peint. Comme les poissons chasseurs : truites, chevesnes, s’élancent rapidement sur leur proie, ils n’ont guère le temps d’apprécier la valeur gustative de leur victime, et le pêcheur au réflexe prompt les accroche aisément.