A. L. Millin, Magasin Encyclopédique ou Journal des Sciences des Lettres et des Arts, Paris, n°1, 1799, p. 22-23.
Mais en étudiant la manière de vivre particulière à chaque espèce, on voit que la larve use par instinct des artifices les plus propres à produire l’illusion.
L’une se développe parmi les roseaux des petites rivières ; elle se file un fourreau, coupe des brins d’herbes tenues, les colle, suivant leur longueur, sur le cylindre dans lequel elle habite, et ressemble ainsi, par la forme et la couleur de son enveloppe, à une tige rompue de la plante dont elle se nourrit.
Une autre vit de lemna et de callitriche ; elle fixe aussi sur son étui, des feuilles de ces plantes qui ne cessent point de croître. En communiquant le mouvement à ces petits végétaux, la larve de la phrygane paroît les douer d’une nouvelle vie qui contraste singulièrement avec l’immobilité des eaux dans lesquelles elle séjourne pour l’ordinaire.
Quelques-unes se nourrissent de prêles, de carex, de joncs, de graminées ; elles en contournent diversement des portions, et s’en font artistiquement des demeures dans lesquelles elles vivent parfaitement en sureté. Une autre espèce non moins curieuse, se rencontre dans les eaux vives et rapides ; pour ne point être entraînée par le courant, elle colle à son fourreau les petites coquilles qu’elle rencontre, en dégorgeant sur elle ue humeur visqueuse et tenace, lors même qu’elles renferment encore leurs habitants qu’elle semble forcer à servir à sa protection.
Telles sont les ruses aux moyens desquelles les larves de ces genres, échappent à la voracité des poissons qui en sont très friands.