Giampaolo Moretti

Giampaolo Moretti, « Esperimenti sulla ricostruzione dei foderi larvali dei Tricotteri », Memorie della Societa Entomologica Italiana 12, traduit de l’italien par Lella Le Pillouër, 1934, p. 229-261.

Expériences sur la reconstruction des étuis des larves de Trichoptères
Approche générale :
Tous ceux qui observèrent les larves coléophores de Trichoptères furent amenés à relever telle ou telle particularité nouvelle à propos de la manière dont elles fabriquent leurs étuis protecteurs.

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La liste de ceux qui donnèrent des informations d’une manière ou d’une autre et réellement importante il suffit de savoir que dès le XVI° les étuis des Friganides éveillèrent l’intérêt des scientifiques passionnés des choses naturelles, et que dans les siècles suivants jusqu’à une période récente ces insectes dont les larves ont des habitudes si intéressantes, furent l’objet de la curiosité des plus insignes naturalistes et entomologistes. Pourtant ce n’est qu’au cours des dernières années que furent menées de manières expérimentales des études.
Le débat scientifique portant sur les hypothèses relatives à leur instinct et aux modalités par lesquelles les étuis sont reconstruits par les larves est par contre très récent. J’ai voulu mener dans ce but des expériences dont les résultats peuvent selon moi être d’un certain intérêt.
On peut les classer de la manière suivante:
1) Analyse de la méthode de reconstruction avec un matériau naturel: diverses conditions de milieu, influence de la température et de la lumière.
2) Examen du comportement des larves dans la reconstruction des étuis avec divers matériaux.
A) choix de la couleur.
B) rapport entre la couleur, le poids, la forme, la dimension et la nature du matériau dans la reconstruction.
3) Tissu de soie des fourreaux larvaires et nymphal, structure, comportement dans les reconstructions.
Il faut d’emblée préciser que ces expériences furent essentiellement menées sur des larves appartenant aux espèces suivantes: Limno, Glypho cela pour des raisons évidentes: les larves appartenant à ces espèces sont parmi celles que l’on trouve le plus facilement et qui se rencontrent en grand nombre. Leurs dimensions remarquables permettent un contrôle métrique plus aisé. Enfin outre leur capacité à s’adapter à la vie en aquarium, elles résistent très bien aux changements rapides des conditions du milieu que l’on ne peut bien souvent éviter.
1) Analyse de la méthode de reconstruction avec des matériaux naturels.
Conditions de milieux ambiants différents, Influence de la température et de la lumière.
a) La larve de Seri et son étui protecteur naturel et reconstitué.
Larve de dimension moyenne: généralement 12 mm de longueur, 2 mm de largeur, sa forme est typiquement Neofila (qui aime les courants). Elle affectionne particulièrement les ruisseaux froids et limpides, à faible courant. On les trouve accrochées aux galets du fond, fourreau mobile, aime les algues, particulièrement abondantes dans les ruisseaux limpides des pré-Alpes (durant la saison hivernale).
La larve se construit un fourreau en forme de tube légèrement conique et incurvé, constitué de sables
amalgamé de manière assez régulière (Fig.1 A). A l’intérieur un tube de soie modelé au fur et à mesure
de la formation de la partie extérieure, tapisse la construction . L’étui définitif peut mesurer 15-16 mm
de long et 3 mm de largeur au maximum. Le bord de l’orifice antérieur est oblique du côté de la partie
ventrale de l’étui alors que l’extrémité postérieure se termine par un trou dont les bords limitent l’étui
plus ou moins verticalement. Lorsqu’il est terminé l’étui de la larve est remarquablement résistant.
Expérience de reconstruction:
Six larves sont maintenues pendant environ 6 mois dans un aquarium de manière à pouvoir agir sur des spécimens habitués à la vie en captivité dans une température supérieure à celle du milieu naturel. Chaque larve est poussée hors de son étui par un objet non contondant, mais suffisamment fin pour pouvoir passer par l’orifice postérieur comme par exemple une tête d’épingle. En procédant ainsi on parvient à amener la larve poussée par l’arrière à quitter son fourreau dont il serait autrement impossible de l’extraire sans la blesser. On aménage 6 boîtes de Pétri de 6 cm de diamètre avec un fond de sable, plus clair que celui avec lequel elles avaient construit leurs étuis d’origine, quelques filaments de mousse pour oxygéner le milieu et une hauteur d’eau de 3 cm à 16 °c, renouvelée tous les jours.
Les larves privées du poids de leur fourreau se retrouvent dans des conditions peu adaptées, elles flottent souvent à la surface et les efforts qu’elles font pour redescendre ne sont pas négligeables. Elles n’ y parviennent qu’en s’accrochant avec leurs pattes aux filaments de mousse, les mouvements ondulatoires de respiration ne cessent pas pendant qu’elles tentent de cacher sous la mousse leur abdomen découvert. Pendant environ 2h, ces individus errent sur le fond sans rechercher à reconstruire leur protection. Finalement certains d’entre eux commencent à sélectionner dans le sable les éléments qui leur paraissent le plus adaptés, les recueillant de leurs pattes, les mesurant sur leur corps et les amalgamant avec la soie en refusant d’autres en fonction de leur taille et de leur poids.
Le travail qu’ils accomplissent est très soigné et ils négligent même des éléments de leur fourreau d’origine mis à leur disposition. Ils les scindent plutôt en particules minérales et parmi celles -ci ils choisissent les grains de sables qui s’adaptent le mieux à leur nouvelle construction. Ils peuvent accomplir les mouvements de tension et de flexion nécessaire à la construction du fourreau.
La première partie de l’étui se constitue sous forme d’un anneau autour du premier segment abdominal ou entre celui-ci et le méthathorax avec des éléments choisis avec un grand soin, portés par les pattes à la bouche, badigeonnés de pâte soyeuse et ensuite encastrés les uns à côté des autres. Deux heures environ après le début de la reconstruction les premiers segments de l’abdomen sont protégés par un anneau de sable d’environ 3 mm de long encore assez fragile et grossier.
Dans ce cas, si les larves sont agressées elles tentent de se défendre en regroupant leur abdomen vers le thorax plutôt que le contraire, comme c’est le cas lorsque leur fourreau est entier. Après cette première phase la reconstruction se poursuit assez rapidement malgré les arrêts répétés et soudains des larves lors de la moindre perturbation du liquide, une simple vibration de la surface provoque en effet l’arrêt immédiat du travail.
Les larves travaillent pendant 4 heures à la reconstruction et elles finissent par former un fourreau en sable encore incomplet de forme plutôt incurvée et de consistance légère (Fig. 1 B), l’aspect rugueux de la surface est plus important que celui de l’étui naturel, la forme est plus grossière et l’orifice n’a pas une section nettement circulaire (comme elle l’était à l’état naturel), mais une forme plus ou moins subcirculaire et irrégulière avec des éléments émergeant du bord. Dans la mesure où l’on a utilisé du sable plus clair et dont les éléments sont légèrement plus gros que ceux que les larves eurent à leur disposition dans la nature. La nouvelle enveloppe diffère de l’ancienne également par sa couleur ( Fig. 1 C). Après 10 heures toutes les larves ont reconstitué leurs étuis, plus ou moins long, plus ou moins réguliers mais presque tous des dimensions suivantes; 15 mm de long et 3,5 mm de large au niveau de l’orifice antérieur (Fig. 1 C).
Les éléments minéraux qui constituent les fourreaux sont toutefois organisés entre eux de manière plus désordonnée et la courbure de l’étui apparait peu évidente, de plus la solidité de ces étuis n’est obtenue qu’après plusieurs jours de travail de finition. En effet ce phénomène s’observe également dans la nature de la part de larves à étui lourd, minéral. Au fil du temps elles ajoutent de nouveaux éléments à leurs étuis et la courbure de ceux-ci n’acquiert de valeur stable qu’au bout de quelques jours.
Après 10 jours au maximum (depuis le début de la reconstruction) les fourreaux dont les dimensions sont restées constantes atteignent leur forme et consistances définitives. Les expériences ont été répétées de nombreuses fois dans les mêmes conditions et sur les mêmes espèces et les résultats obtenus peuvent tous être rapportés à ceux décrits ci dessus.
On a pu relever quelques différences relative au temps nécessaire pour les différents sujets soumis à l’observation et aux dimensions de leurs fourreaux reconstitués mais ces variations sont négligeables tant par la rareté de leur nombre que par la différence essentiellement infime. La relative lenteur des larves dans la reconstruction ne doit pas étonner, elle a en effet été menée par des larves adultes qui procèdent moins rapidement que des larves dans les premiers stades de leur développement.
b) Les larves de Limno et de Glypho
Les larves de ces espèces sont de dimensions remarquables elles peuvent atteindre 21 mm de long et 3 à 4 1/2 mm de large pour celles de la première espèce, et 23 mm et 4 mm pour la seconde. Les larves de l’une et l’autre espèces aiment les milieux lacustres: marais et fossés riches en végétation et à peu ou pas de courant, elles sont normalement végétariennes.
Le fourreau de la larve Limno est droit ou légèrement incurvé conique constitué de brins coupés et disposés en général de manière transversale, de petites pailles, d’herbes coupées ou même de coquilles et de petites pierres. L’ouverture antérieure est oblique . Il mesure de 18 à 27 mm de long et 5 à 7 mm de large. Les expériences sur les larves de cette espèce sont menées selon une méthode absolument identique à celle utilisée pour le Serie en modifiant cela s’entend , le matériau de construction en relation avec les habitudes de construction du milieu naturel; Les résultats obtenus confirment les précédents. Je ne répète donc pas la procédure de reconstruction. Il suffit d’ajouter qu’ayant agi également sur de jeunes larves, celles-ci se sont montrées plus rapides dans leur travail que celles adultes (4 à 10 heures d’avance) et acceptèrent un nombre de reconstructions supérieures à celui des sujets adultes ( 8 – 10 fois plus). Naturellement les fourreaux des larves jeunes sont plus petits que ceux des larves adultes (Fig. 2).
Le fourreau de la larve de Glypho peut être qualifié d’énorme, il peut atteindre 60 mm de long et 30-35 mm de large . Il est constitué d’un tube soyeux recouvert de fragments de feuilles tombées au fond de l’eau et macérant, maintenu entre deux énormes plaques de grandes découpes de feuilles (Fig. 3). Pour cette espèce également les résultats obtenus confirment les précédents il suffira simplement de se souvenir que si la profondeur de l’eau est trop faible, les larves de Glypho se reconstruisent des fourreaux moins imposants que ceux d’origine.
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2) Examen du comportement des larves dans la reconstruction de fourreaux avec des matériaux divers.
Généralités. C’est un fait que les larves coléophores de Trichoptères puissent se reconstruire des fourreaux avec les matériaux les plus disparates mis à leur disposition. Il est totalement acquis par ailleurs que l’utilisation de certains éléments et leur disposition ne sont pas accidentelles. De nombreuses expériences furent faites à ce propos et les résultats obtenus par les différents expérimentateurs permirent à Uhlmann de conclure en faveur de trois types d’instinct qu’il nomme ainsi:
1) préconstruction qui indique un simple amas d’un étui formé sans ordre.
2) construction qui concerne une construction sans manques mais encore irrégulière.
3) construction organisée, carré ou en spirale de matériaux élaborés.
En marge de ces modalités de construction, il distingue ensuite une polyvalence à savoir la capacité de travailler avec un matériau varié et, en l’absence d’un matériau plus adapté, , de travailler avec un matériau moins adapté. Cette capacité concernerait les formes les moins spécialisées, alors que la monovalence ou l’incapacité de construire avec un matériau différent concernerait les formes les plus nettement spécialisées. Poly et monovalence correspondent également, dans chaque espèce au développement individuel. On a d’abord la polyvalence qui peu à peu avec le vieillissement de la larve se réduit à la mono.
Les expériences sur la reconstruction des fourreaux furent pratiquées comme on l’a dit en grand nombre sont particulièrement connues celles de Haan sur Limnophilus marmoratus Curt (Biblio n°2), celles de Dembowsky sur Molama angustata Curt. ( Biblio.n °3), celles de Gorter sur Limnophilus flavicornis Fab (Biblio. n°4) et dignes de mentions également les travaux de Wiesmann,(Biblio.n°8), et de Alverdes Fiedrick ( Biblio.n°1) toutes les études de ces auteurs ont apporté de précieuses contributions à la connaissance du comportement des larves de ces insectes dans des milieux divers et l’on peut prévoir que dans le futur les travaux traitant de ce sujet inépuisable seront encore nombreux.
J’ai pu moi-même faire des observations dont j’estime qu’elles ont un certain intérêt. J’ai par exemple pu observer lors d’expériences variées que les larves à fourreau végétal se nourrissent de leur fourreau quand elles sont maintenues à jeun pendant une longue période. De même les larves herbivores à habitudes mobiles c’est à dire prédatrices reconstruisent des fourreaux fixes exclusivement en soie en général dans le sens longitudinal et déposés horizontalement par rapport à la surface de l’eau, quand, leur fourreau était détruit et que l’alimentation venait à manquer durant une longue période. Cela leur évite des efforts inutiles (environ trois mois de jeune pour Glyph. pellucidus Retz si le jeune se prolonge les larves en commençant par les plus jeunes, succombent). Les larves de certaines espèces (Glyph. pellucidus Retz., Limnophilus griseus L et d’autres) , placées dans des éponges gorgées d’eau se construisent des abris soyeux à l’intérieur des alvéoles de celles-ci, demeures qu’elles se bâtissent également à découvert, parfois même entièrement en soie. Les mêmes espèces se construisent des fourreaux avec les dépouilles chitineuses de leurs semblables après en avoir dévoré tout le contenu adipeux. de larves herbivores elles se transforment facilement en cas de nécessité en larves carnivores. Les larves de Limno comme celles de Glyph comme celles de Seri maintenues dénudées dans l’eau pendant un long temps sans la possibilité de se reconstruire des fourreaux c’est à dire sans matériau à leur disposition (environ 4 mois) ne reconstruisent que très lentement et très rarement lorsque du matériau est remis à leur disposition même si il est naturel, après un long temps de privation elles ne procèdent plus à la reconstruction; enfin , si on les laisse dans l’impossibilité de reconstruire, elles finissent par succomber, enveloppées dans des touffes de fils de soie.
Comme Gorter pour Limno je parvins à faire construire par des larves de Glyp des fourreaux avec des mollusques bivalvaires du genre Cyclas, les liens en soie ne cédèrent jamais pourtant ils étaient soumis aux efforts des mollusques qui tentaient de se libérer, comme l’avait par ailleurs déjà noté Gorter. De plus je me suis proposé d’étudier le comportement de certaines larves de Trichoptères dans des milieux dans lesquels elles ont été obligées d’utiliser des matériaux différents de ceux utilisés habituellement dans la nature. Si elles manifestent ou non un choix dans le matériau préparé artificiellement, quel matériau préfèrent-elles?, pourquoi font-elles un choix plutôt qu’un autre?, si la disposition des éléments même s’ils sont inadaptées correspond ou non à l’ordre naturel, si enfin le fourreau reconstitué répond ou non aux besoins du mode de vie des larves.
Pour plus de clarté et de précision la présentation du sujet de la recherche se déroulera selon l’ordre chronologique c’est à dire en restituant intégralement chacune des expériences de même que les résultats relatifs obtenus chaque fois qu’il paraissait opportun de relever des observations.
Expériences du comportement des larves dans des milieux divers. (1)
A) Choix des couleurs
-1) Parallélépipède de verre transparent, incolore de 10 cm de long, 5 cm de large, 5 cm de hauteur. Fond en papier buvard pou r éviter le glissement des larves, 20 cm3 d’eau à température constante de 16 °C.
Le matériau de construction proposé est constitué de fils de soie cylindriques de 2 cm de long et 3 millimètres de diamètre, de diverses couleurs (vert, rouge, jaune, bleu, blanc, noir) 50 éléments par couleur. L’épaisseur de la masse de ce matériau polychrome ne dépasse pas 1 cm. On y place 6 larves de Limno précédemment privées de leur fourreau.
Observation :
Lors de leur immersion dans leur nouveau milieu , les larves aquatiques observées cherchent avant à se cacher. Ce n’est qu’après une heure environ qu’elles commencent la reconstruction d’un fourreau. Trois heures après leur introduction dans ce milieu artificiel toutes les larves ont amalgamé des fils de diverses couleurs, sans que n’apparaisse de choix particuliers pour une ou plusieurs couleurs. Aucune larve n’a constitué un fourreau complet, alors que divers amas de fils amalgamés( environ 15 amas) reposent ça et là.
Après 6 heures les amas sont suffisamment augmentés pour construire une sorte de fourreau. Les larves abandonnent pourtant continuellement ces sortes de constructions désordonnées molles et lourdes, qui ne semblent pas satisfaire leurs besoins. En aucun de ces amas n’apparaît un choix de couleur, et l’on ne perçoit aucun but déterminé dans l’ordre des éléments colorés.
Cette observation peut paraître évidente, car il s’agit d’un mimétisme direct, ce qui ne pourrait se vérifier si l’une des couleurs était choisie particulièrement. Après 9 heures les conditions sont inchangées et les amalgames de fils sont en augmentation, l’expérience se poursuit ainsi pendant 7 jours.
Elle fut menée également en partageant les fils en petits groupes, chacun constitué d’une couleur. Les larves associent indistinctement dans l’un ou l’autre des groupes sans jamais parvenir à la formation d’un fourreau. La Glypho se comporte de la même manière. Cette expérience a été interrompue: les larves ne trouvant pas de matériau adapté à la reconstruction de leurs étuis et abandonnant cette reconstruction à peine commencée.

(1)L’aliment qui est proposé dans les élevages est constitué de fragments minuscules de végétaux et de plancton qui ne peuvent entrer dans la composition du fourreau. Les larves sont acclimatées à une température supérieure d’environ 10° à celle du milieu où elles ont été prélevées. Le changement de l’eau est effectué par injection à 16° jusqu’à ce que le niveau normal soit obtenu chaque jour. Les expériences sont menées en plein hiver, il est important de signaler que les larves observées sont en majeure partie des sujets adultes.

-2) Parallélépipède comme en a. Conditions équivalentes à l’expérience précédente en ce qui concerne la température et la quantité d’eau. Matériau de construction constitué de fragments anguleux (obtenus par tamisage) de verre transparent, brisé très fin, de couleurs: jaune, rouge, vert, bleu. Chacun de ces éléments pèse environ 8-10 mg. On forme un mélange de ces couleurs, la quantité de matériau mis à la disposition des larves pèse environ 4 gr. Les 4 couleurs y étant représentées pour chacune par 1 gr. de matériau. Les 6 larves de Glypho privées de leur fourreau y sont immergées.
Observations:
Passé le temps consacré à se cacher, les 6 larves observées tachent de procéder à la reconstruction, mais dans un premier temps elles semblent se molester les unes les autres. Dans la mesure où n’est pas apparu un retard significatif dans la reconstruction des fourreaux il n’a pas semblé nécessaire de les isoler. Là aussi on observe l’apparition d’amas de petits éclats de verre maintenus par des filaments de soie. Aucun de ces amas n’est formé d’une d’éléments d’une couleur particulière. Après 3 heures d’expériences aucun fourreau ne parait construit. Après 6 heures les conditions n’ont presque pas varié. Après 12 heures les premiers fourreaux sont formés. Il sont lourds, composés de différents petits éléments et résistent mal aux frottements dus aux déplacements des larves. Les éléments sont juxtaposés sans ordre et sans choix de couleurs. Au fur et à mesure que les larves trouvent un fragment adapté par sa forme à un encastrement avec le précédent elles l’enduisent de soie, le placent et refusent ceux qui ne conviennent pas. Après 36 heures les fourreaux sont reconstruits mais se révèlent beaucoup trop lourds pour les larves et résistent mal au frottement sur le fond. Ils sont tous nettement plus petits que ceux d’origine, cela en relation avec le poids spécifique de chacun des éléments.
De plus on aménagea un milieu dans lequel les fragments de verre étaient séparés en 4 groupes par couleur et disposé en carré de manière équidistante. Les larves furent placées au centre toutes dans la même direction, Les fourreaux obtenus se révélaient encore formés des différentes couleurs, alors que les petits tas furent dispersés et mélangés lors des recherches des larves ils étaient constitués par les éléments les plus petits et les plus arrondis, alors que les étuis étaient eux formés pour Gly par les éléments les plus plats, pour Limno par les éléments les plus longs. Aucun choix de couleur là non plus.
Six autres larves de l’une et l’autre espèce furent isolées du fond polychrome par un cristallisateur flottant, incolore et transparent; elles tentèrent de recueillir le matériau dont elles étaient séparées par des mouvements assez caractéristiques. Elles ne parurent pas faire le choix d’évoluer en direction d’une couleur plutôt que d’une autre. Après avoir tenté en vain pendant 6 heures d’attraper le matériau au travers de la vitre se comportant de telle sorte qu’on puisse penser à une certaine capacité perceptive assez aigue elles franchirent les bords du récipient en sortant de l’eau et plongèrent dans le milieu qui se trouvait au dessous d’elles où elles s’employèrent aussitôt à la confection de fourreaux semblables à ceux formés par les larves précédemment observées. Il est également intéressant de remarquer que le temps écoulé entre la sortie de la première larve et la sortie de la dernière -ce qui n’advint pas au même endroit – malgré la trace humide laissée par la première larve – mais en divers points, fut très long (au delà de 4 heures) les résultats furent confirmés.
-3) Récipient de verre de 17 cm de long, 12 cm de large, 4 cm de haut, fond de papier buvard blanc, sur lequel sont placés six petits groupes équidistants (3 sur chaque longueur) de petites perles : d’un poids moyen d’un centigramme par élément, et d’un poids total d’environ 20 gr par petits tas, des couleurs suivantes: (1) blanc, (2) noir, (3) vert, (4) rouge, (5) jaune, (6) bleu. Dans ce cas également il s’agit d’observer si les larves font le choix de petites perles d’une couleur pour former leur fourreau, et si c’est le cas, quelle est la couleur choisie. Dans cette hypothèse elles devraient se diriger vers un tas déterminé et y rester jusqu’à l’obtention d’un fourreau d’une couleur déterminée. Pour éviter que le matériau de la couleur éventuellement sélectionnée ne vienne à manquer, obligeant les larves à ajouter des perles de couleurs différentes, on proposa des tas suffisants pour la construction de plusieurs fourreaux. Les petites perles sont toutes identiques en poids, dimension et forme. De plus elles présentent une perforation centrale qui permet aux larves de pouvoir saisir le matériau de manière sûre et aisée. Tout ce protocole devrait permettre aux larves d’agir de telle sorte que, si une couleur convenait mieux qu’une autre, le choix de celle-ci serait évident, non seulement au regard du résultat final mais également au vu des directions ou déviations prises par les individus examinés.
Observations:
Les larves de Glyph introduites dans leur nouveau milieu se mettent immédiatement à la recherche de matériau de construction et au fur et à mesure qu’elles rencontrent des tas de petites perles elles construisent sur place. Comme précédemment après 3 heures on observe des amalgames d’éléments associés en petits groupes mais aucun étui n’est construit. Après 6 heures les ébauches d’étuis sont plus nombreuses et chaque groupe en possède 2 ou 3. Après 9 heures deux larves ont procédé à la reconstruction complète, mais les fourreaux sont très inconsistants. Après 12 heures toutes les larves se sont à présent reconstitué des enveloppes de défense et alors que certaines sont d’une seule couleur (jaune, blanc ou toute autre couleur) les autres sont mélangées. L’expérience a été renouvelée par trois fois avec d’autres matériaux et d’autres larves. Les résultats sont identiques aux précédents. Pour les larves qui ont séjourné dans l’un des petits tas, l’étui est monochrome. Quant aux larves qui ont déambulé, leur fourreau est polychrome. Tous les étuis reconstitués sont beaucoup plus petits que ceux d’origine, s’élevant à 13 dg, contre 8 dg de moyenne pour les fourreaux naturels.
Les larves de Limno se comportent de la même manière on peut simplement remarquer qu’elles trouvent un matériau plus adapté à leurs habitudes de construction en effet elles peuvent se construire des étuis avec des petites pierres. De ce fait les résultats sont plus rapides, bien qu’identiques en ce qui concerne le choix de la couleur à ceux précédemment obtenus. En
6 heures en effet toutes les larves ont mené à bien une reconstruction complète. Leur fourreau est plus solide et plus homogène que celui de l’espèce précédente, bien qu’elles aient eu le même comportement vis à vis de la couleur. Il est plus court ne dépassant pas les 12 mm de long. Le poids dépasse les 4 dg alors que celui de l’étui naturel est de 4 dg. Je propose la représentation de l’un de ces fourreaux entièrement reconstruit à partir de petites perles de couleur jaune (voir Table IV, Fig. 1). Ser Person Spenc. reconstruit en trois heures un fourreau de petites perles (sans choisir la couleur) identique en dimension et en disposition à un fourreau naturel.
-4) Parallélépipède de verre transparent, incolore, de 2 cm de long, 10 cm de large, 5 cm de haut, 400 cm3 d’eau à 16 ° c, le fond est recouvert de papier buvard blanc. Aux angles du récipient on installé 4 petits tas de couleurs différentes, pesant 5 gr chacun constitués de brindilles de cire à cacheter étirée à la chaleur d’environ 1 cm de long et 1/2 mm de large, chaque élément pèse environ 1 cgr, et chaque petit tas est constitué par l’une des couleurs suivantes: (1) rouge, (2) bleu, (3) jaune, ( 4) vert, on y introduit 6 larves de Glypho
Observations:
Aucune larve ne parvient à se confectionner un fourreau, pas même dans un délai de 3 jours, le matériau n’est pas adapté à ces larves, principalement à cause de la forme ; Avec Sericos l’expérience se révèle également négative. Ces espèces sont remplacées par des larves de Limno, ces dernières commencent immédiatement la reconstruction de leur fourreau et montrent qu’elles trouvent le matériau parfaitement adapté à leur but. En effet celui-ci est semblable à celui qu’elles choisissent dans la nature pour ce qui est de la forme, la dimension et le poids seule la couleur varie. Après 2 heures une bonne partie du fourreau est reconstruit pour chacune des larves. La disposition des éléments est absolument identique à celle des étuis naturels, la section d’un fourreau montre en effet que les éléments sont associés entre eux à angle droit ou à peine obtus, et superposés alternativement. La reconstruction totale de tous les fourreaux a lieu à la fin de la semaine. Ils sont indistinctement polychromes. Dans la reconstruction même si chaque élément est identique aux autres, les larves ne séjournent pas au même endroit dans le récipient, mais continuent à errer soit parce qu’elles se dérangent entre elles, soit qu’elles agissent séparément. Il en découle des fourreaux à zones, chaque zone marque la durée du séjour de la larve dans l’un des petits tas de petits cylindres de cire à cacheter. On observe ainsi des étuis avec, ou non la prévalence avec ou non l’absence de l’une ou plusieurs couleurs.
Si l’on répète l’expérience en mélangeant les éléments, les fourreaux qui en résultent sont polychromes, mais sans zone particulières. On peut maintenant dire que toutes les couleurs y sont représentées en nombre égal. Les dimensions, la forme, le poids des fourreaux reconstruits sont en tout point semblables aux caractéristiques des fourreaux naturels, d’une longueur moyenne de 18mm, épineux, à section quadrangulaire irrégulière, au poids de 4dg. Ils ne différent des fourreaux normaux que par la couleur (voir table IV, fig. 2). Les larves elles-mêmes montrent qu’elles se trouvent parfaitement à l’aise se déplaçant et se comportant dans leurs mouvements de manière parfaitement semblable à celle observée dans la nature.
Avec cette dernière expérience il semble pouvoir être déduit comme confirmation des résultats précédents, que les larves de trichoptères n’opèrent aucun choix de couleur dans l’élaboration de leurs fourreaux. Il a été question d’un mimétisme dont les larves témoigneraient dans la formation de leurs fourreaux, je rejoins la position de Dembowsky en admettant que dans la nature
(de même qu’on a pu l’observer dans les expériences à éléments polychromes non séparés) le mimétisme est obtenu sans choix de la part de la larve mais directement par l’utilisation du matériau qu’elles trouvent à leur disposition, sur le fond sur lequel elles se meuvent ou entre les plantes parmi lesquelles elles se déplacent. Il a été remarqué en effet que les larves observées dans des milieux où les couleurs étaient séparées ne montraient aucune tendance instinctive à imiter le milieu. Cela a été valable même lorsque les expériences ont été menées sans négliger les facteurs qui paraissent avoir une grande valeur dans la signification de la construction des fourreaux. Il a donc été mis à leur disposition des éléments de poids, de forme de dimension égaux entre eux et semblables à ceux de leur milieu, de telle sorte que les individus observés n’aient à suivre aucun autre aspect de l’instinct si ce n’est celui d’une hypothétique défense mimétique non attestable comme cela a déjà été dit.
B) Rapports entre la couleur, le poids, la forme et les dimension dans le choix du matériau
Comme cela a pu être acquis des résultats des expériences précédentes on ne doit accorder aucune valeur aux choix de la couleur de la part des larves, alors que la forme, les dimensions et le poids des éléments de reconstruction des fourreaux ont une grande importance; J’ai mené dans cet esprit certaines observations pour synthétiser les diverses conditions dans un milieu qui mettent clairement les larves observées en situation de démontrer l’absence absolue de choix de couleurs et d’autre part, la valeur de la recherche des autres caractéristiques déjà indiqués.
Ces observations peuvent se réduire essentiellement à cette expérience globale:
Parallélépipède en verre transparent , incolore de 20 cm de long, 10 cm de large, 7 cm de haut contenant 200 cc d’eau à 16°c, Le fond est recouvert sur une épaisseur de 1mm par un mélange de petites perles colorées en verre transparent et en verre opaque (d’un diamètre de 1mm, sphériques avec un trou central et d’un poids variant d’un minimum de 1mmg à un maximum de 7cgr par élément) de fragments de verre de différentes couleurs et de formes et dimensions variées, de frisettes d’étain d’un poids moyen de 2cgr par éléments de petites plaques de celluloïds noires et rouges de petits morceaux de cire à cacheter dont le poids varie entre 100 mg au minimum et 200 mg au maximum par élément, de couleur et dimension et de forme différentes, des éclats minuscules et brillants d’émail polychrome (1 gr. par couleur, chaque élément d’un poids inférieur à 1mmg, poudre de laiton, poudre de verre de chaque couleur ( 1gr. par couleur) . Ainsi les larves ont à leur disposition un choix de matériaux très riche, tant par la couleur que par la forme et le poids. Les couleurs des différents éléments dont est composé le fond du milieu proposé sont les suivantes:
(1)blanc opaque, (2)blanc opale, (3)argent, (4)or, (5)jaune clair, (6)orange, (7)rose, (8)rouge clair
(9)rouge foncé, (10)vert clair, (11)vert foncé, (12)bleu ciel, (13)bleu, (14)indigo, (15)violet (pâle-foncé), (16)noir
On y introduit 6 larves adultes de Glypho et 6 larves adultes de Limno précédemment privées de leurs fourreaux
-1) Glypho Au bout de trois heures trois larves ont reconstruit en partie un fourreau délaissant les petites perles, l’étain et la cire à cacheter elles se spécialisent dans le choix de fragments plats de verre et de petites plaques de celluloïd. Après 10 heures les 3 autres larves ont procédé à la construction. Il s’agit d’individus retardataires probablement dérangés par les autres individus. L’anneau antérieur qui constitue la première partie du fourreau présente un choix exclusif d’éléments de celluloïd en rapport de manière évidente avec la forme et le poids du matériau chaque élément pèse environ 1 cgr. Le fourreau d’origine du Glypho est constitué par un petit tube de fragments de feuilles, recouvert d’énormes plaques découpées dans les feuilles qui macèrent sur le fond; dans l’expérience, le matériau qui soit à la fois le plus large et le plus plat et le plus léger était sans aucun doute le celluloïd en petites plaques. Curieusement alors que la partie antérieure du fourreau reconstruit semble clairement construite en celluloïd, la partie centrale et la terminale sont au contraire formées essentiellement d’éclats de verre transparents qui par leur minceur, semblent blanchâtres et violettes, bien qu’étant de diverses couleurs. De plus on y trouve quelques fragments de verre opaque de diverses couleurs. Il m’a été donné d’observer que les larves examinées après avoir goûté pendant un peu de temps le matériau ce sont toutes nettement empressées de choisir (toutes indistinctement) le celluloïd qui a donc été épuisé rapidement dès le début de la reconstruction des fourreaux. Leur partie restante dut donc nécessairement être continuée et terminée avec les éclats de verre. Aucune des larves de Glypho ne choisit de perle ou d’un autre matériau, inadaptés à la structure même du fourreau naturel de forme aplatie.
On doit encore remarquer que les éléments plutôt que d’être disposés sur le corps de la larve par leur face plane, ont été retenus du côté des arêtes et des aspérités, cela ne peut s’expliquer si ce n’est en admettant que la surface plate et lisse du matériau ne se prêtait pas facilement à une accroche solide par le tissus soyeux.
Les mesures des fourreaux reconstruits complètement par les larves après 24 heures sont d’environ 12 mm de long par 4 mm de large. Il est intéressant de rappeler que l’une de ces larves, ayant découvert dans l’épaisseur du fond une grosse plaque de celluloïd rouge frisottée et dentelée, termina son étui en y appliquant cet élément très voyant. Ce fourreau présentait donc , sommairement trois zones de différentes couleurs; un anneau antérieur noir, une partie centrale essentiellement claire et une zone terminale clairement rouge vif ( voir Tab IV, fig. 3)
Les fourreaux reconstruits pèsent plus que ceux d’origine bien qu’étant bien moins volumineux: 1,6 gr. contre 7-8 dgr. de poids moyen pour les étuis naturels.
Les larves se meuvent avec difficulté sur le fond et leur étui ne se révèle pas résistant, même après les remaniements des jours suivants. Ne pouvant associer des éléments minuscules et plus légers, elles choisissent évidemment les plus larges, mais qui devaient être aussi les plus légers. L’expérience répétée six fois a confirmé les résultats donnés. Pour cette espèce on ne vérifie donc que le choix de la forme, de la dimension et du poids des éléments.
-2) Limnophilus rhombicus L. Les larves de cette espèce placées dans ce milieu présentent au contraire un tout autre comportement. Plus rapides pour commencer la reconstruction, elles semblent dotées d’une polyvalence plus prononcée que celle manifestée par les larves de Glyph en environ 6 heures elles ont toutes accumulé des éléments du fond de façon à bâtir une sorte de fourreaux, encore mou et sans forme propre. Dans les 12 heures les fourreaux ont acquis une plus grande consistance et leur forme typique. On y note pourtant en majorité presque quasi absolue, les petites perles devenue de toutes les couleurs, opaques ou transparentes, plus ou moins de la même forme et de la même dimension. Parmi les petites perles on peut remarquer quelques autres éléments comme des fragments de cire à cacheter de différentes couleurs des frisettes d’étain, tous placés dans un sens transversal (voir Tab IV, Fig. 4). Ces larves n’utilisent pas non plus les poudres de métal ou de verre ou les petits éclats d’émail qui se composent d’éléments trop petits pour être enduits de soie et orientés l’un après l’autre. L’étui reconstruit présente des dimensions fortement inférieures à celles de l’étui d’origine ne dépassant pas en général les 7 mm de long alors qu’il est plus trapu.
Je ne pense pas émettre un jugement trop hasardeux en relevant comme cause de la détermination de la longueur l’augmentation du poids du matériau mis à leur disposition par rapport à celui que les larves se choisissent dans la nature. Dans ce cas également donc aucun choix en fonction de la couleur mais une recherche évidente de matériaux en fonction de la forme du poids et des dimensions. Les fourreaux reconstitués pèsent environ 8 dcg. contre 4-5 des fourreaux naturels.
Il s’agit enfin de se souvenir que cette expérience a été ensuite répétée en séparant ces différents matériaux les uns des autres selon la nature et la couleur et à distance équivalente. On a alors pu observer que Glyph se précipite de préférence sur les petites plaques de celluloïd quelles que soient leurs couleurs on note en effet des larves au fourreau blanc d’autres au fourreau rouge, d’autres polychromes qui se déplacent indistinctement sur les divers amas de matériaux sans jamais se préoccuper du mimétisme. Limno pour sa part préfère les petites perles et les fragments étroits de cire à cacheter, toujours indépendamment de la couleur.
Sericostoma sait très bien reconstruire avec de petites perles, obtenant un étui polychrome ou pas d’un poids et d’une forme très proche de celui d’origine: les fourreaux reconstruits pèsent environ 6 dg, les naturels 6-8 dg.
Toute observation sur les résultats de cette expérience me parait superflue. On peut désormais admettre que les facteurs qui présentent la plus grande importance pour interpréter les diverses constructions de fourreaux des larves de Trichoptères sont essentiellement le pois, la forme et les dimensions des éléments, les valeurs sont directement en rapport (pour ne pas dire qu’elles en dépendent directement) de la souplesse dont est capable l’instinct de l’espèce ( voir Ulhmann
Biblio Nr. 6-7-8).
C) Valeur du poids, de la forme des dimensions et de la nature du matériau dans la reconstruction
On a pu remarquer dans les précédentes observations qu’en variant la forme , le poids, les dimensions de chaque élément qui peut constituer un matériau de construction, le fourreau reconstruit et terminé ( si la reconstruction a eu lieu ) tente d’être le plus proche possible du fourreau d’origine. La disposition des éléments, leurs dimensions, la forme et le poids des matériaux individuellement et dans leur ensemble, tentent de se maintenir au plus prés des caractéristiques correspondantes des étuis que les larves des Trichoptères construisent dans la nature. Cela m’a amené à conduire certaines expériences avec pour but l’observation suivante: repérer si l’une ou plusieurs des caractéristiques évoquées ci-dessus, présente une importance supérieure et si la même caractéristique a des valeurs égales ou non pour différentes espèces. Naturellement le temps sera l’indice le plus fiable de l’importance de ces facteurs.
Les observations sont exposées selon l’ordre adopté précédemment.
-1) Petite boîte de verre transparent, incolore de 10 cm de long, 5 cm de large, 5 cm de haut. Fond de gravillons dont les éléments sont beaucoup plus lourds ( 4dgr par élément, par rapport aux 8-10 cgr, pour le matériau naturel) et plus gros (on ne peut en communiquer les dimensions tant elles sont variées) que ceux utilisés par les larves dans la nature. Fragments de 1 cm de long et 0,5 mm de diamètre de fétus de Adiantum Capillus Veneris L. d’un poids de 1-2 cgr par élément , 100 cc d’eau à 16 °. On y introduit 6 larves de Sericostoma
Observation :
Généralement rapides dans la construction, les larves associent entre eux des éléments sableux en deux heures. La reconstruction du fourreau avec de petites pierres n’est pas obtenue, même après un délai de 16 heures. Certains sujets quittent alors le fond et tentent une reconstruction grâce aux brindilles de Adiantum qui flottent. Cette tentative est également abandonnée 18 heures après le début de l’expérience; à la 20° heure deux larves ont réussi à se fabriquer des étuis grâce à l’association de brindilles et de petites pierres. Elles sont rapidement imitées par les autres. Au bout de 25 heures tous les individus observés sont équipés d’un fourreau dont la partie antérieure est toujours constituée exclusivement d’éléments minéraux. La forme du fourreau est encore tubulaire mais n’est pas incurvée les dimensions sont très proches de celles de l’étui d’origine et le poids ne dépasse que de 2-4 cgr celui du fourreau normal ( 6cdg). Pour cette espèce on doit admettre la prépondérance du facteur poids dans le choix du matériau. On obtint des résultats différents avec Glypho et Limno qui reconstruisent le premier avec lenteur et pas systématiquement, le second rapidement ( 2 h) seulement avec le matériau végétal de ce milieu.
-2) Récipient et conditions comme en -1), matériau de construction constitué par des grains de millets entiers et brisés, ou de leurs peaux (poids moyen de 9 mm par élément ) et des filaments de laiton tordu ( chaque élément pèse environ 4 cgr) d’une longueur moyenne de 7mm.
Observations :
Parmi les 6 larves de Glyph soumises à une observation, 4 se sont construit un fourreau en 15 heures, ces individus utilisent les 2 types de matériaux ( laiton et millet) et la disposition se révéla identique pour toutes les constructions. Alors que l’anneau antérieur du fourreau est constitué exclusivement de filaments de laiton, disposés de manière variable, les deux tiers suivants sont formés de millet. La longueur et la largeur de ces fourreaux sont très inférieurs aux dimensions correspondantes des fourreaux d’origine, ne dépassant pas les 9 mm de long et les 5 mm de large
(voir Tab IV, Fig. 5). L’amalgame des fils de laiton s’avère extrêmement lente (10-12 h) alors que l’utilisation des grains et des fragments de millet est très rapide ( 5-3 h) (1). Les Larves retardataires parviennent elles aussi à se reconstruire un fourreau en 20 heures. L’aspect et la structure de ces étuis sont identiques à ceux présentés par les autres fourreaux.
Nous retenons que l’introduction du métal dans la reconstruction des fourreaux ne soit pas accidentelle soit du fait de sa présence constante dans chaque cas, soit parce que le poids du laiton et sa résistance permettent d’avoir un poids de fourreau reconstruit très proche de celui naturel.
( 5 dcg. par rapport à 7-8 dcg pour un étui naturel) et de conférer une certaine solidité aux reconstructions précisément à l’endroit où les détériorations provoquées par la larve seraient les plus évidentes. Il suffit de rappeler que lorsque l’expérience a été répétée avec du millet exclusivement, aucune larve de Glyph ne parvint à bâtir un fourreau résistant. Il ne fut pas rare d’observer des parties côniques d’enveloppes abandonnées par les larves car elles étaient inadaptées à leur besoin. Les fourreaux constitués par les larves de cette espèce avec ce matériau demeurent toujours inconsistants.
(1) J’estime que l’architecture des fourreaux hivernaux de cette espèce a une certaine influence sur ces résultats. Les constructions naturelles de l’hiver deviennent plus étroites avec des éléments fins et allongés disposés longitudinalement.

Limno et Sericos . Les larves de la première espèce reconstruisent exclusivement avec du matériau métallique, en conservant la disposition naturelle de chacun des éléments; en 12 heures environ tous les sujets parviennent au terme de leur reconstruction. Les individus de la seconde espèce se révèlent également rapides dans la formation de l’étui tant qu’elles peuvent utiliser du matériau semblable par la forme à celui utilisé habituellement (millet, petites pierres) mais elles ralentissent également quand au millet trop léger elles sont obligées d’ajouter des filaments de laiton pour lester la construction ( 15 heures jusqu’à la fin de la confection).
-3) Récipients et conditions comme en -1)
Le matériau de construction est constitué de chutes de fil de caoutchouc élastique de section quadrangulaire, chaque morceau mesure environ 4 mm de long, 1mm de diagonale et pèse 2 cgr. Certains morceaux plus grands (2cm) flottent avec les précédents. Le fond du récipient est recouvert de coton hydrophile pour permettre aux larves de trouver un appui lors de la prise du matériau et du travail de construction.
Observations:
Glyphotaelius pellucidus Retz. e Sericostoma personatum Spenc.
On met en observation 6 larves de chaque espèce: on n’obtient aucun résultat positif pas même après 48 heures; le matériau n’est pas utilisable dans ce cas.
Limnophilus rhombicus L. Un certain nombre d’heures s’écoule (10-15 h) avant que les larves ne se décident à utiliser le matériau flottant. Les efforts pour démêler le coton et s’en façonner un fourreau se révèlent inutiles. Les mouvements que les larves font pour ramener à elles les morceaux de caoutchouc flottants sont très intéressants parce que la situation est tout à fait nouvelle pour ces insectes: ils se maintiennent attachés au coton grâce aux crochets terminaux de leurs appendices de fixation. Ils allongent démesurément leur corps de manière à parvenir à toucher la surface avec leur dernière paire de pattes. Dans une telle position ils saisissent les morceaux par les deux extrémités et procèdent aussitôt au badigeonnage de soie, soit en les attrapant directement, soit en les mettant en contact avec les pattes grâce aux remous créés par les rotations du corps. Après cette opération, qui nécessite des efforts considérables ils amènent un premier noyau autour du corps, en attirant des éléments dans l’eau. Il n’est pas rare de voir la larve projetée à la surface de l’eau plutôt que l’amas élastique introduit dans l’eau. De même il est fréquent de le voir s’éloigner vers les bords du récipient ayant en effet échappé aux pattes de la larve.
Dans les deux cas les larves abandonnent aussitôt leur accroche flottante et retournent sur le fond. Pour toutes ces raisons la reconstruction procède d’une extrême lenteur: 20 heures environ après le début de l’expérience on compte 16 amas flottants d’élastique et des éléments non encore assemblés ou abandonnés par les larves. Aucun individu n’a réussi à se façonner une enveloppe. Finalement, après environ 25 heures deux larves ayant abandonné leur accroche sur le fond, s’affairent à la construction en flottant un peu tout en restant accrochées aux morceaux en se soulevant au dessus de la surface pour immerger les fragments. Dans cette position elles parviennent à fabriquer (en 6 h) des fourreaux flottants, ces derniers n’ont néanmoins pas une forme de tube, ils sont fortement aplatis sur le dessus, parallèlement à la surface et arrondis en bas soit la partie submergée. La forme ainsi obtenue est due principalement au glissement des éléments collés qui ont tendance à flotter, mais aussi à la difficulté que rencontrée par les larves pour maintenir le matériau sous l’eau et enfin à l’intelligence des larves elles-mêmes en laissant le matériau se disposer de telle sorte elles évitent que le fourreau, en bougeant ne roule à la surface, comme cela arriverait si le fourreau était cylindrique. Certes, ces larves sont contraintes de flotter si elles restent inertes, mais avec des efforts non négligeables elles parviennent à marcher sur le coton en entrainant leur fourreau; naturellement, la moindre erreur de mouvement les fait remonter instantanément à la surface, ce qui survient également lorsqu’on agite le récipient provoquant le retrait de la larve dans son fourreau. Inutile de dire que le poids total du fourreau reconstruit est très nettement inférieur à celui de l’enveloppe naturelle. Les autres larves à ce stade montrent des amas d’élastiques rassemblés autour d’un point fixe.
En immergeant un long élément flottant et en le fixant sur les parois du récipient par l’une de ses extrémités, de manière à ce que l’autre extrémité arrive à la surface, ou bien en le maintenant au coton grâce au tissus soyeux, les larves élaborent un fourreau flottant, horizontal par rapport à la surface et donc perpendiculaire au filament fixe. Avec cet appui elles parviennent à se construire en peu de temps (en moyenne 2 h) un fourreau tubulaire cônique, dont la forme et la disposition des éléments sont très proches de celles du tube naturel. La longueur est cependant moindre (environ 9 mm), (voir Tableau IV, fig. 6). Ce fourreau peut-être maintenu fixé par la larve qui peut d’ailleurs accomplir d’amples déplacements autour de l’attache, il peut également être libéré par le décrochement de l’élément qui le retient au fond.
L’expérience renouvelée à maintes reprises afin de vérifier ce comportement a obtenu de constantes confirmations si l’on excepte de légères variations dans la vitesse de construction et des variations négligeables du nombre de sujets qui choisirent l’une ou l’autre des méthodes de reconstruction. Il est évident que dans ce cas les larves négligèrent également le facteur poids, afin de pouvoir mener à bien la construction d’une protection dans laquelle les divers éléments conserveraient une disposition semblable à celle des conditions naturelles.
-4)Récipients et conditions comme en -1)
Découpes grossièrement quadrangulaires de papier absorbant blanc de 3-6 mm de côté d’un poids moyen de 2 cgr à sec, 4-8 cgr imbibés d’eau.
Limnophilus rhombicus L., ne reconstruit pas, elle amalgame avec difficulté des amas inconsistants qu’elle abandonne aussitôt; Elle ne parvient pas même à rallonger son étui naturel, qui a été préalablement tronqué.
Glyphotaelius pellucidus Retz, reconstruit en environ 6 h un fourreau qui, hormis les dimensions, a toutes les caractéristiques de celui d’origine: un petit tube interne fermé de petits fragments de papier absorbant coupés par la mandibule de la larve, enserrés entre de grosses plaques du même matériau. On peut remarquer que les dimensions du fourreau reconstruit sont moins grandes que celles du tube naturel, puisque le poids spécifique du papier absorbant imbibé d’eau est supérieur à celui des feuilles macérées: dans tous les cas ils ne dépassent pas les 20 mm de long et les 7 mm de large.
Sericostoma personatum Spenc. Ne reconstruit pas en utilisant exclusivement du papier absorbant. On parvient cependant à l’amener à substituer progressivement presque tout le fourreau naturel par des éléments de papier absorbant. Si on coupe le fourreau en le réduisant à 10 mm de long, la larve ne ressent pas la nécessité de l’allonger de quelques millimètres (5 mm) par l’ajout d’éléments de papier absorbant (voir Table IV, fig. 7): il demeure plus réduit mais l’occupant ne parait pas mal à l’aise. Si l’on réduit le fourreau d’environ 7 mm, la larve estime nécessaire de rallonger son enveloppe mais ne parvenant pas à ajouter des éléments à l’orifice antérieur, les matériaux ne résistant pas aux mouvements, elle abandonne spontanément son enveloppe de sable et après en avoir scindé les éléments en découpant le tissu soyeux qui les maintient elle reconstruit avec un eux un fourreau aux 8/9 de sable auquel elle ajoute une proportion de 1/9 d’éléments de papier absorbant, ceux ci sont placés pour les raisons déjà indiquées à l’orifice postérieur. Il en résulte ainsi environ après 4 heures de reconstruction une enveloppe de 9 mm de long presque totalement constituée de petites pierres (voir Tab IV, fig. 8) Inutile de dire que le poids du fourreau ainsi obtenu a diminué de quelques cgr.
Il ne s’avère ensuite plus possible de réduire encore la longueur du fourreau minéral, car la larve l’abandonne spontanément (même à sec). Lorsqu’on réduit toujours plus la quantité de sable fourni par rapport à celle de papier absorbant, la larve utilise le premier jusqu’à épuisement pour former son anneau antérieur elle lui adjoint ensuite le second matériau beaucoup moins résistant (Tab IV, fig.9). On arrive enfin à une limite dans la réduction du matériau minéral qui correspond pour quasiment tous les sujets observés à 10-8 éléments (c’est à dire ce qui est suffisant pour former deux arcs de cercle disposés vis à vis, l’un sur la partie dorsale et l’autre sur la partie ventrale de la larve, correspondant aux points où l’enveloppe est soumise aux plus fortes pressions.
Au delà de cette limite le Sericostama personatum ne reconstruit plus efficacement (Tab IV, fig. 10). Les dimensions dans ce cas et pour la moyenne des individus approchent les 11 mm de long et 6 mm de large au maximum, alors que le poids du seul fourreau ne dépasse pas 32 cgr. Nous sommes donc confrontés à des reconstructions qui présentent une remarquable diminution de leur longueur, une légère augmentation de leur largeur et une très nette diminution du poids par rapport au fourreau d’origine. Si l’on ôte l’élément minéral Ser. personatum ne reconstruit plus puisque les fourreaux sont délaissés par les larves spontanément avant leur complète reconstruction. Le temps nécessaire aux larves de cette espèce pour reconstruire des fourreaux presque entièrement en papier absorbant est de loin supérieur à celui nécessaire dans des conditions habituelles: il varie d’un minimum de 24 h à un maxi de 48h.
Observations :
Pour le Sericostoma personatum Spenc ce n’est donc pas le poids du matériau qui est le critère le plus important dans la reconstruction des fourreaux, mais plutôt la solidité des éléments utilisés pour cette reconstruction. Ce fait devient de plus en plus évident au fur et à mesure que l’expérience progresse, jusqu’à trouver une magnifique confirmation à la fin quand on peut observer que la disposition du matériau le plus solide s’effectue principalement et souvent presque exclusivement autour de deux arcs de cercle du fourreau. Ceux ci correspondent respectivement comme on l’a dit l’un au dos de la larve le second à sa face ventrale, c’est à dire les points où les larves coléophores exercent la plus grande pression et le plus fort frottement.
Le comportement des larves de Glyphotaelius pellucidus Retz et Limnophilus rhombicus L. est moins explicite, bien qu’on ne puisse réfuter la valeur qu’elles accordent à la résistance du matériau. Déterminer par des critères précis et absolus, les limites maximales et minimales de poids et de forme et de dimensions dans la reconstruction des fourreaux n’est pas possible, puisqu’elles varient d’une espèce à l’autre. La polyvalence permet à ces insectes un large panel de possibilités de constructions avec des résultats les plus disparates, sans cependant que ne soient jamais dépassées les limites de leurs habitudes instinctives.
Conclusions et observations
Si l’on veut regrouper en guise de conclusion les résultats obtenus dans les différentes expériences exécutées sur le comportement de certaine larve de Trichoptère Coléophore : Limnophilus rhombicus L- Glyphotaelius pellucidus Retz- Sericostoma personatum Spenc.) pour la reconstruction de leur enveloppe nous pouvons les énoncer comme suit:
1°) Les larves de Trichoptères Coléophores reconstruisent leur enveloppe avec une rapidité qui diminue au fur et à mesure qu’augmente la diversité de la matière première (qualité, poids, forme, dimensions, etc.) avec laquelle on veut leur faire reconstruire leur enveloppe par rapport aux matériaux utilisés dans le milieu naturel. Elles essayent en effet de conserver le plus possible la forme de l’enveloppe habituelle et la disposition de chaque éléments.
Si l’on continue à leur proposer du matériel de moins en moins adapté ( par exemple :en allant jusqu’à employer de petits éléments sphériques pour les espèces qui dans le milieu naturel se constituent leur enveloppe avec de grands morceaux de feuilles, comme c’est le cas du Glyph. pellucidus, si l’on excepte leur construction hivernale), ou de larges plaques de matériaux trés variés, pour les espèces qui se construisent normalement leur fourreau avec des brindilles coupées sur mesure comme c’est le cas de la larve adulte du Limn. rhombicus, ou encore en utilisant des découpes cylindriques de matériaux divers à la place des éléments sableux dont elles se servent habituellement pour se construire un étui . Comme on peut le vérifier pour Ser. personatum , on arrive à un point , variable selon leur capacité d’adaptation individuelle spécifique, où la reconstruction ne se fait plus. Cet arrêt dans les formes plus spécialisées semble correspondre au moment où la diversité du matériel employé est telle qu’elle ne permet plus à la larve de conserver une imitation même lointaine de la structure de son fourreau naturel tant du point de vue de la forme que de la disposition des éléments. La rapidité de reconstruction varie non seulement d’espèce à espèce avec l’emploi du même matériel mais souvent également les individus appartenant à la même espèce.
2°) Si les larves coléophores sont privées de matériel de construction pendant plusieurs jours, elles utilisent -dans une certaine limite- facilement les matériaux les plus disparates mis à leur disposition (voir Biblio n° 6-7), si elles sont maintenues pendant un temps assez long dans l’impossibilité de se faire un fourreau, elles deviennent incapables de le faire même si on remet à leur disposition le dit matériel. Elles meurent si elles sont maintenues dans l’absolue impossibilité de reconstruire leurs fourreaux.
3°) Les brusques augmentations de la température ralentissent l’activité de reconstruction de la larve. Si les écarts de température sont rapides et importants (ex: de 16° à 40° en une seconde) cela provoque chez la larve l’abandon de son étui et de très grandes difficultés respiratoires ce qui la conduira à surnager ou à sortir carrément du milieu. De plus si on maintient pendant longtemps une température élevée ( ex : 30° à 45 ° de 4 à 10 heures) la larve meurt. Beaucoup moins visibles on même négligeables sont les effets produits par un refroidissement de la température.
4°) Les résultats négligeables s’obtiennent lors de l’examen du comportement de la larve coleophore par rapport au facteur lumière. Ceux-ci ne sont pas quantifiables actuellement. On peut seulement certifier, de façon générale que les larves soumises à fort éclairage ( 5OO bougies à 3 mètres de distance, avec un filtre de refroidissement) sont plus lentes dans leur reconstruction contrairement à celles maintenues dans l’obscurité complète.
5°) La priorité dans les activités biologiques des larves à fourreaux , c’est la construction. Toutefois en cas d’absence d’aliments les fourreaux végétaux (construits ou reconstruits) sont sacrifiés par les larves pour leur nourriture. Au cas où le jeûne serait prolongé pendant plusieurs mois assez souvent certaine espèces à fourreau mobile s’adaptent (s’astreignent) à mener une vie sédentaire dans des fourreaux de soie qu’elles construisent sur le fond ou sur les parois du récipient. Peu résistants à un long jeûne, contrairement aux larves adultes pour lesquelles l’arrêt de l’alimentation peut durer plusieurs mois sans cessation de vie, ce sont les individus plus jeunes, surtout aux premiers stades de leur formation, qui meurent en peu de jours.
6°) On ne note aucun choix de couleur de la part des larves de Trichoptères dans la construction de leurs étuis.
7°) Le poids, la forme et les dimensions des matériaux ont une très grande importance dans la structure des fourreaux reconstruits. Cependant jamais au point d’altérer l’instinct constructeur de l’espèce, qui est d’ailleurs irréfutable.
8°) Il n’est pas possible de fixer exactement les limites maximales et minimales de chacun de ces facteurs, pas plus qu’on ne peut certifier lequel est prépondérant dans l’absolu, car les résultats varient d’une espèce à l’autre selon la “souplesse” de l’instinct et selon la polyvalence qui permet aux divers individus d’agir avec une variabilité importante mais sans jamais altérer tous les caractères instinctifs de reconstruction.
9°) La résistance du matériel de reconstruction en détermine le choix dans l’édification de la portion supérieure du fourreau dans laquelle, s’il existe la possibilité du choix du matériau plus ou moins résistant on trouve les éléments les plus résistants.
10°) Il n’existe pas de rapport entre le matériau qu’elles choisissent ou dont elles sont obligées de se servir pour reconstruire leur enveloppe et la structure des tissus soyeux sur lesquels s’appuient les fourreaux protecteurs. Celle-ci est constante et indépendante du matériau lui-même.
Prenons l’ensemble des résultats sus énoncé et voyons quelles observations nous pouvons en déduire en tenant compte avant tout du phénomène vital spécifique caractéristique des larves coléphores de Trichoptères qui est appelé instinct constructeur. En effet cette manifestation biologique est si l’on peut dire le facteur déterminant des différents résultats qu’on a obtenu en mettant des individus en condition de devoir réagir précisément selon leurs propres possibilités instinctives, dans des conditions particulières, puisque crées volontairement pour l’expérience.
De ce point de vue donc les recherches effectuées et énoncées dans cette étude doivent être comprises comme l’analyse de la possibilité et de la souplesse de l’instinct de construction des larves coléophores de certaines espèces de Trichoptères. Si nous examinons le comportement général des individus observés nous notons que le déroulement n’est pas uniforme, certains sujets appartenant à la même espèce et du même âge furent plus rapides que d’autres pour commencer continuer et finir la reconstruction; on a observé de fortes différences selon les espèces dans la capacité de reconstruire avec le même matériau. On a vu certaines larves coléophores aux habitudes mobiles et typiquement prédatrices, se fixer complètement si l’alimentation venait à manquer. Tous ces résultats seraient confus, sans point commun, presque contradictoires entre eux et distingueraient difficilement un caractère commun qui les unirait tous dans un aspect ,une valeur de base unique si l’on ne considérait un instinct susceptible d’une certaine adaptation d’une souplesse, variables selon les espèces et les individus en présence de milieux divers.
On peut observer en effet chez les larves coléophores des Trichoptères des capacités multiples de reconstruction avec des matériaux divers. Des espèces qui sont spécialisées dans les constructions avec un seul type de matériau qui sont donc incapables de se servir de matériaux différents de celui dont elles se servent habituellement on passe par palier à une espèce avec une capacité constructive très élevée au point de négliger le schéma héréditaire de l’étui pour arriver à un type quelconque de construction qui peut n’avoir aucun rapport de forme avec celui obtenu dans la nature. Ce sont les formes les plus organisées que l’on peut le mieux étudier même du point de vue du comportement biologique. En effet dans celles-ci l’instinct constructif est bien défini et structuré contrairement aux espèces moins organisées qui s’adaptent facilement à l’emploi et à la mise en place des matériaux de construction, à un schéma de construction spécialisé et donc caractéristique. Le besoin de se fabriquer un étui bien qu’il soit indépendant dans les stades moins évolués de l’architecture type si bien que sous un certain point de vue ces larves s’adaptent facilement (polyvalente dans le choix du matériau) celui-ci par contre est relié dans la forme pour les espèces monovalentes ou plus finement organisées ; dans ces cas là, la spécialisation suit l’évolution biologique, alors que dans un premier temps il existe une polyvalence qui diminue au fur et à mesure du vieillissement de la larve se réduisant au travers de la prévalence (possibilité de choix du matériel le plus adapté) à la monovalence. De plus parmi les individus de la même espèce provenant ou non de la même masse ovigera on observe des exemplaires plus ou moins spécialisés avec une riche série de degrés. C’est ainsi que l’on peut expliquer les différents comportements, non seulement entre des espèces différentes, mais aussi entre spécimen d’une même espèce.
Uhlman compare ce comportement propre à ce qui se produit entre les frères d’une même famille où le développement de l’intelligence est variable. Les comportements des larves à la traine ou des plus rapides de celles plus ou moins atypiques, donneraient ainsi plus de poids aux récentes conclusions d’Uhlman sur l’instinct constructif.
Sur l’ensemble de ces observations on pourrait donc déduire les points suivants:
Glyphottaelius pellucidus Retz. et Sericostoma personatum Spenc sont des formes hautement spécialisées dans la construction de leur étui ( tout au moins au développement complet de la larve). Moins spécialisé (dans certain cas) le Limnophilus rhombicus: les résultats des comportements de certains sujets à l’examen non identiques, non constants et surtout les déviations aberrantes de certains individus par rapport à la masse font penser ( étant donné que l’on a pris en considération également des larves adultes) que cela dépend non seulement de la souplesse de l’instinct de l’espèce mais aussi de la capacité individuelle de chaque larve.