Une petite collection

Alf. Preudhomme de Borre, « Catalogue synonymique et descriptif d’une petite collection de fourreaux de larves de Phryganides de Bavière » Bruxelles, Annales de la Société Entomologique  de  Belgique, XIV1871, p. 62-65.

En 1869, M. le Dr Walser, savant entomologiste de la Haute-Bavière, qui a fait une étude approfondie des mœurs des Phryganides de son pays, et leur a consacré un très curieux travail intitulé : Trichoptera bavarica (1), faisant parvenir à notre Société une petite collection de fourreaux de larves de ces intéressants Névroptères.

Mes fonctions m’appelant à prendre soin des collections de la Société, j’ai été amené à m’occuper de la mise en ordre de cette collection, laissée jusqu’ici dans les petites boîtes qui avaient servi à son transport de Bavière en Belgique.

Je me suis décidé à la disposer dans une caisse vitrée pour pouvoir la faire servir à une exhibition publique. Nos Phryganides, et, on peut dire d’une manière plus générale, tous nos Névroptères non Odonates, nous restent à peu près inconnus. On conçoit que leur fragilité, la difficulté de les prendre et de les conserver dans un état d’intégrité qui flatte l’œil et récompense le collectionneur de ses soins, sont et seront toujours un obstacle à ce que leur étude et leur collection trouvent beaucoup d’amateurs. Mais pourquoi ne pas aborder cette étude par un autre bout ? Je m’explique. Leurs larves fourmillent dans nos eaux ; leurs mœurs, l’industrie si remarquable qu’elles apportent dans la construction des fourreaux qu’elles habitent et dont la nature et la forme sont, à ce qu’il semble caractéristiques pour chaque espèce, sont certainement au nombre des sujets les plus dignes d’appeler les recherches d’entomologistes. L’usage des aquariums, aujourd’hui si universel, nous donne les moyens de poursuivre dans nos demeures les observations commencées à la campagne, et surtout de trancher le point difficile qui pourrait rendre cette étude à bon droit ingrate, à savoir la constations de l’espèce à laquelle chaque larve et chaque fourreau se rapportent. Par là, l’étude des Phryganides pourrait rivaliser d’intérêt avec celle des Lépidoptères.

Je pense donc que nous pouvons espérer de bons résultats d’une exposition publique de ce don fait à notre Société.

Un point capital, à mon avis, restait à résoudre. M. Walser a nommé ses Phryganides d’après Kolenati, et je me suis cru obligé de conserver aux exemplaires les noms et les synonymes portés sur les étiquettes que le donateur avait jointes à son envoi. Mais, d’un autre côté, notre savant collègue, M. R. Mac Lachlan, secrétaire de la Société Entomologique de Londres et auteur d’une Monographie des Phryganides de l’Angleterre , est presque continuellement en désaccord avec Kolenati, et, par suite, avec M. Walser, sur les noms que doivent porter les espèces et même les genres. M. Hagen, un de nos collègues honoraires, est, lui aussi généralement d’accord avec M. Mac Lachlan sur ces questions synonymiques. Or ces deux habiles névroptéristes ont déjà enrichi nos Annales de travaux sur cette famille, et, de plus, ils ont, à ce que j’ai appris, collaboré par leurs conseils au Catalogue des Phryganides de notre faune, que nous espérons voir très prochainement déposer par notre savant collègue, M. le baron de Sélys-Longchamps. J’ai cru dès lors qu’il était indispensable, pour rendre vraiment utile l’exhibition de notre petite collection, de restituer à chaque espèce le nom qu’elle porte dans les travaux de M. Mac Lachlan. Tel est le but de ce petit travail.

Quant aux courtes descriptions que j’ai données des vingt-deux espèces de fourreaux composant la collection, je les ai faites sur les échantillons mêmes. Le mémoire de M. Walser, dont notre bibliothèque possède un exemplaire, en offrira de lus détaillées, faites d’après un grand nombre d’individus, et qui pourront être plus utiles à ceux qui voudront s’occuper de recherches semblables sur les espèces qui habitent la Belgique. Ils y trouveront aussi des indications nombreuses sur les lieux fréquentés par les espèces, les époques d’apparition, etc., tous détails qu’il sera intéressant de comparer avec ce qu’on observe chez nous.

Je crois cependant devoir encore faire une remarque relative à ce Mémoire. M. Walser a été conduit, par l’étude des mœurs des larves de Phryganides, à les classer, et d’après la nature des eaux qu’elles habitent, et d’après celle des matériaux dont elles composent leurs fourreaux. Un tel principe de classification est évidemment par trop empirique et ne résiste pas à l’application ; il rompt, en effet, toutes les affinités naturelles entre les insectes parfaits et donne lieu à des réunions et à des disjonctions peu admissibles.

Voici en résumé cette classification :

A. Larves vivant dans les eaux courantes (Rhyacophilae).

I.- Fourreaux formés de matériaux d’origine animale (Zoolegae). Aucune espèce connue.

II.- Fourreaux formés de matériaux d’origine végétale (Phytolegae). Quatre espèces des genres Stathmophorus, Goniotaulius, Mystacides et Setodes.

III.- Fourreaux formés de matériaux d’origine minérale (Minerolegae).

  1. Fourreaux en cailloux (Chalicolegae). 7 espèces des genres Spathidopteryx, Aspatherium, Hydropsyche, Plectronemia, Stenophylax.
  2. Fourreaux en sable (Psammolegae). 8 espèces des genres Desmotaulius, Goniotaulius, Stathmophorus, Notidobia, Plectronemia, Setodes.

B. Larves vivant dans les eaux stagnantes (Limnophilae).

I. – Fourreaux formés de matériaux d’origine animale (Zoolegae). 4 espèces du genre Chaetotaulius.

II. – Fourreaux formés de matériaux d’origine végétale (Phytolegae). 6 espèces des genres Chaetopteryx, Hallesus, Oligostomis, Trichostegya, Glyphidotaulius.

III. – Fourreaux formés de matériaux d’origine minérale (Minerolegae).

  1. a.     Fourreaux en cailloux (Chalicolegae). Stenophylax pilosus.
  2. Fourreaux en sable (Psammolegae). 4 espèces des genres, Goniotaulius, Mystacides et Setodes.

On voit qu’il y peu de relations entre cette classification et n’importe quel arrangement systématique des Phryganides. Voilà pourquoi j’ai suivi scrupuleusement la classification et l’ordre adoptés par notre honorable collègue de Londres dans son travail sur les espèces d’Angleterre.

Du reste, les larves de Phryganides et leurs fourreaux ont été déjà l’objet d’un essai de classification qui se trouve dans les Recherches pour servir à l’histoire et à l’anatomie des Phryganides, par M. Pictet. D’après le désir exprimé par notre savant collègue, M. le baron de Sélys- Longchamps, dans le bienveillant rapport qu’il a présenté à la Société Entomologique sur mon petit travail, et où il a appelé mon attention sur cette ancienne tentative de classer les Phryganides, je m’empresse de reproduire ci-après le tableau synoptique donné par M. Pictet, comme un document utile à comparer avec la classification de M. Walser. Il faut remarquer que les huit genres admis en 1834 par M. Pictet correspondent pour la plupart, aux sous-familles ou tribus des névroptéristes d’aujourd’hui avec quelques changements, bien entendu.