M. Rivez, « Les mouches à truites, les Phryganes », La Nature: Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, vol. 56, Paris, Masson, premier semestre 1928, p. 465-466.Les Phryganes,
Ce qui constitue la plus grande originalité des insectes de cet ordre c’est leur vie casanière à l’état de larve. La larve de la phrygane, c’est le porte-bois ou portefaix que connaissent bien la plupart des enfants, et mieux encore les pêcheurs à la ligne. Dans l’eau, le porte- bois protège son corps fragile et mou dans une cabane tubulaire formée de petits cailloux plats ou de brindilles de bois agglutinés : péniblement, bringuebalant, cahotant, l’animal est bien comique à observer lorsque, sortant a tête et ses six courtes pattes de sa maison, il traîne celle-ci sur le fond quand il veut se déplacer…/…
Bien entendu ce sera un domicile à leur taille, et elles en changeront à mesure qu’elles grandiront : la crise du logement n’est guère à redouter quand ont est maçon soi-même et que on a sur soi ou sous la…patte tous les matériaux de constructions utiles. Ces entrepreneurs de bâtisses sont évidemment leurs propres architectes et il est curieux de constater que chaque espèce de phryganes a son style à elle : telle espèce construit en bois, telle autre en pierre, de telle ou telle forme tellement constante que le grand entomologiste genevois F. J. Pictet, en a fait en 1834, une base de classement de ces larves.
Ce n’est que par manque total des matériaux préférés, ou pour effectuer des réparations de détail, que ces larves se peuvent départir de leur mode de construction ancestral.
Ces habitations ont le plus souvent la forme d’un étui, assez lourd pour n’être pas entrainé par le courant de la rivière, assez léger pour pouvoir être trainé par son propriétaire comme l’escargot promène sa coquille.
La larve entrée dans l’eau libre, n’y reste pas longtemps nue, moins parce que ce ne serait pas convenable que par crainte des nombreux carnassiers aquatiques qui auraient vite fait de dévorer son corps mou et sans défense ; elle reconnaît le terrain et cherche un endroit propice à la construction… elle a vite trouvé le bon lotissement, c’est-à-dire là où elle a suffisamment de matériaux propices.
Alors la larve choisit deux ou trois pierres assez grandes, et en fait une voûte mince, soutenue par des fils de soie et de sécrétion. Elle se place en dessous ; et, de là, prend successivement chaque nouvelle pierre avec ses pattes et la place avec tout le soin d’un bon maçon pour qu’il n’y ait pas d’intervalle libre et que la surface soit plane à l’intérieur. Quand la larve est contente de la position de sa pierre, elle l’attache par des fils de soie aux pierres voisines. La voûte supérieure en place et consolidée, la travailleuse continue sa construction en restant toujours en dedans de son ouvrage : elle tourne sur elle-même pour placer où il faut chaque pierre qu’elle tient entre ses pattes. Elle arrive ainsi, en cinq ou six heures, à se construire un étui, un home où elle est bien chez elle et à l’abri des rôdeurs.
La construction d’un étui en débris végétaux se fait d’une manière analogue en attachant avec la soie que sécrète la larve de petits bouts de bois autour du tube à paroi lisse où se cache l’animal.