Au temps préhistoriques

Georges Viret et Paul Noel, Les petites bêtes, Paris, Librairie d’Éducation de la jeunesse, circa 1895.

Au temps préhistoriques, ces larves étaient beaucoup plus volumineuses ; leur fourreau atteignait alors la grosseur d’un doigt. Elles habitaient les lacs du centre de la France. On les retrouve à l’état fossile dans le terrain miocène, sous le nom de calcaire à phrygane et, comme elles se tenaient non pas au milieu des lacs, mais sur les bords, les géologues peuvent reconstituer la forme de ces immenses réservoirs en suivant, par des fouilles, le ruban calcaire qui entourait les amas d’eau.
Ces géantes ont disparu, ou plutôt nous en retrouvons l’espèce dégénérée dans les étangs et cours d’eau.
Elle vit en un étui long de 4 à 5 centimètres, large de 8 millimètres environ, formé de pierres agglomérées les unes contre les autres.
Ces larves pourraient aussi bien employer d’autres matériaux que la pierre, puisqu’en captivité elles se servent volontiers de fragments de verre, de bois, de coquilles d’œufs, etc. Chose curieuse, ces mêmes animaux, s’ils se trouvent non plus dans l’eau stagnante, mais dans un cours d’eau rapide, établissent leurs constructions avec des pierres de même grosseur, de façon à éviter les inégalités qui, en donnant prise au courant, les obligeraient à déployer une plus grande force dans la recherche de leur nourriture.
Ils passent ainsi de la pierre brute à la pierre polie.
Mais depuis quinze ans, ces coques de pierre deviennent de plus en plus rares. Les phryganes ont remarqué en effet, combien elles avaient de mal à traîner leur maison de silex, combien d’efforts inouïs il leur fallait faire pour grimper le long des plantes, et elles ont remplacé les pierres lourdes par des pierres creuses et légères qu’elles ont taillées dans les coquilles des petits mollusques fluviatiles. Mais, soit que ces coquilles n’existent qu’en petite quantité, soit que leurs propriétaires produisent des odeurs malsaines en se décomposant (car ils sont parfois incrustés vifs en ces constructions), ces sortes d’étuis sont devenus relativement aussi rares que les fourreaux de pierre brute.