L’homme est incapable de le fabriquer

Isaak Walton, Le parfait pêcheur à la ligne ou le divertissement du contemplatif, 1653. Traduction de Charles Chassé, Paris, Club des libraires de France, 1964.

Il vous faut aussi savoir qu’il existe diverses sortes de cadis, ou vers à étuis, que l’on trouve en cette nation et en plusieurs comtés séparés les uns des autres et en divers petits ruisseaux aboutissant à des rivières plus importantes ; en particulier, un cadis appelé « cornemuseux », dont la cosse ou l’étui est un morceau de roseau long d’environ un pouce ou davantage encore dont le diamètre est environ celui d’une pièce de deux pence….
Il existe aussi un ver cadis plus petit qu’on nomme « ergot de coq », car comme il est pointu à une extrémité, sa forme ressemble à celle de l’ergot d’un coq ; l’étui ou maison , dans lequel il demeure est fait de petites cosses et de gravier et de vase et très curieusement constitué par ces matières et de telle façon que l’homme, tout en le jugeant de construction admirable, est incapable de le fabriquer, comme c’est le cas aussi pour le nid du martin-pêcheur qui est constitué d’arêtes de petits poissons et cela par entremêlements et combinaisons géométriques si savants que l’art de l’homme ne peut accomplir semblable travail.
Or, cette sorte de cadis est un appât de choix pour tous les poissons de surface ; il est beaucoup plus petit que le cadis « cornemuseux » et cela n’en rend que plus extraordinaire l’ordonnance de sa construction. Ces « ergots de coq » peuvent se conserver dix, quinze ou vingt jours et peut-être plus longtemps.
Il existe aussi un autre cadis que certains appellent « ver de paille » et d’autres « habit à collerette » ; sa maison, ou étui, est faite de petits morceaux d’herbes, de joncs, de pailles et de plantes aquatiques et de je ne sais quoi encore, le tout joint ensemble par une vase conglomérée ; tous ces éléments se hérissent autour de l’enveloppe ou étui à la manière des piquants d’un hérisson. On capture d’ordinaire ces trois cadis et leur emploi permet de prendre n’importe qu’elle sorte de poisson que vous pêchiez au flotteur ou autrement….
`Je veux vous enseigner, disciple, que plusieurs pays possèdent diverses espèces de cadis qui, vraiment, différent autant les uns des autres que différent les espèces de chiens ; aussi profondément, en d’autres termes, que font le roquet et le lévrier.
Ces cadis naissent d’ordinaire dans les très petits ruisselets ou fossés qui aboutissent à des rivières plus importantes et, à ce que je crois, ils sont plus appropriés, comme appâts, à ces menus cours d’eau qu’ils ne le seraient à tous autres. Je ne sais comment ni de quoi ces cadis reçoivent l’existence ou en quelle mouches de couleur ils se transforment ; mais sans aucun doute, ils provoquent la mort de bien des truites….