Nous avons pendant longtemps conservé quelques échantillons

André Marie Constant Duméril, Entomologie analytique : histoire générale, classification naturelle et méthodique des insectes à l’aide de tableaux synoptiques, Paris, Académie des Sciences, Imprimerie de Firmin Didot, 1860, p. 777-783.

La plupart de ces espèces se construisent une sorte de fourreau ou d’étui de soie ; elles le recouvrent de diverses sortes de corps étrangers que chacune dans son espèce, et suivant un instinct admirable, sait choisir d’une manière toute particulière et appropriée à la nature des eaux dans lesquelles doit se passer ce premier mode d’existence.

Cet étui, le plus souvent mobile et transportable, ou cette sorte de demeure portative, et même l’habitant de cette case, ont pris le nom vulgaire de Casets ; plusieurs de ces larves traînent péniblement après elles ces fourreaux, qu’avec intention elles ont rendus plus lourds par l’addition de quelques pierres ou de coquilles dont les habitants sont encore vivants et qu’elles ont l’air de charrier au fond des eaux ; on les a encore désignées sous le nom de charrées…/…
../… Réaumur a observé que les larves, extraites forcément de leur fourreau, peuvent y rentrer, quand elles se trouvent placées dans le voisinage, mais la tête la première, quoique ce fourreau soit généralement fermé à l’extrémité opposée ; probablement sa capacité est assez large pour que l’insecte puisse s ‘ y retourner ; mais, dit cet auteur, si ces larves rentrent dans le fourreau, ce n’est pas qu’elles soient paresseuses pour s’en faire d’autres. Voulant les voir à l’ouvrage, il en a mis plusieurs dans cette nécessité, et il décrit, avec beaucoup d’intérêt pour nous, les procédés qu’il leur a vu mettre en usage pour se faire, comme il le dit, des habits neufs, soit pour allonger les leurs, soit pour y ajouter des pièces, les alléger ou les lester, suivant les cas, ainsi que nous aurons occasion de le dire, d’après nos propres observations, dont les résultats sont très curieux.
Ces tuyaux, comme on l’a vu, varient beaucoup pour la forme et la disposition extérieure par suite des différences de la structure des larves de plusieurs des sous-genres ; il paraît même que chaque espèce offre des particularités dans l’art avec lequel chacune doit construire sa demeure, et suivant la nature et le plus ou moins de rapidité du cours des eaux dans lesquelles l’espèce est appelée à se développer, et les circonstances qui exigent des arrangements et des précautions qu’il semble que la nature leur ait fait prévoir.
Ces fourreaux sont en général un peu coniques, au moins dans leur intérieur ; ils ne sont ouverts que par le bout qui livre passage à la tête et aux pattes. Les uns, et ce sont ceux des larves qui se trouvent constamment dans les eaux courantes, sont couverts en dehors de toutes sortes de substances un peu lourdes : de graines, de petites pierres, de fragments de coquilles, de brins de végétaux que l’insecte agglutine ou fixe avec des fils de soie au dehors de son étui. Souvent, et c’est encore une observation de Réaumur qu’il est très facile de vérifier, on rencontre de ces fourreaux qui sont entièrement recouverts de Planorbes, de Bulines, de Tellines, de Nérites, quelquefois d’une même espèce, et dans chacune de ces coquilles se trouvent les mollusques vivants. Ces coquilles sont si bien attachées au fourreau qu’il n’est pas possible au véritable propriétaire de la coquille de se séparer de la surfaça à laquelle il adhère. Réaumur, racontant ce fait, ajoute : « Ces sortes d’habits sont jolis, mais ils sont de plus très singuliers en ce qu’ils sont quelquefois faits d’animaux vivans. Un sauvage qui au lieu d’être couvert de fourrure, le seroit de rats musqués, de taupes, ou d’autres animaux en vies, auroit un habillement bien extraordinaire : tel est en quelque sorte celui de nos larves »
Parmi les larves, celles qui se développent dans les étangs, dans les mares et dans toutes les eaux stagnantes, grossissent leurs fourreaux avec des parcelles de roseaux, de brins d’herbes, de découpures de feuilles vivantes ajustées avec tant d’art, qu’elles nous laissent dans l’admiration d’une pareille industrie. Tantôt le cylindre intérieur, tissu de soie, est inscrit dans un pentagone, un hexagone, un heptagone ou de tout autre cylindre à pans réguliers, de manière que chacun des brins se prolongeant se croise de part et d’autres avec l’un de ceux qui sont collés au même tuyau. Il en résulte des fourreaux excessivement hérissés, qui prennent jusqu’à douze fois le diamètre du cylindre intérieur. C’est à ces sortes de fourreau que conviendrait plus particulièrement le nom de Phryganion, puisqu’ils ressemblent tout à fait à des bourrées en miniature. D’autres larves découpent, en petites pièces carrées, des portions de feuilles de plantes nayades, telles que celles des potamogétons, d’hydrocharis, de lemnas, de callitriches. Ces parties, qui restent longtemps vertes et vivantes dans l’eau, sont réunies en une sorte de rubans qui roulés en spirale, recouvrent toute la surface de l’étui, et déguisent la demeure de l’insecte ainsi protégé par cet artifice contre la voracité des poissons.
Nous avons fait nous-même travailler plusieurs de ces larves dans des circonstances obligées, où nous ne leur livrions que des sables colorés de diverses teintes, blanches, vertes, bleues ou noires ; de mica, de grès, d’azur de cobalt, autant que possible à grains réguliers ronds ou cubiques, et il est résulté de leur travail des sortes de mosaïques, dont nous avons pendant longtemps conservé quelques échantillons.