Les millions de compatriotes microscopiques

F. V. Raspail, Histoire Naturelle de la santé et de la maladie chez les végétaux et chez les animaux en général et en particulier chez l’homme, Paris, Chez l’Éditeur des ouvrages de Mr. Raspail, 1860,
p. 63.

Vers le commencement de mai, la mare était remplie d’eau et formait un vaste océan microscopique, mais un océan qui n’était habité que par trois espèces d’animaux aquatiques, les larves de cousins sous leurs deux formes successives, l’une de larve allongée et l’autre de puppe cabriolante et faisant des voltiges de toute façon ; puis des milliards de ce gros rotifère que Lamarck désigne sous le nom de furculaires auriculées (furcularia aurita, Encyc. Méthod., pl. 21, fig. 17-19) ; Enfin, en troisième lieu, on voyait çà et là des larves rouges de sang d’une phrygane ou teigne d’eau, lesquelles ne trouvant pas dans ce petit monde d’autres matériaux pour s’en faire un fourreau, avaient pris le parti d’utiliser dans ce but les millions de compatriotes microscopiques qui s’agitaient dans les eaux ; leur fourreau pyriforme semblait ainsi être tissu de velours. La larve de ces phryganes ne rentrait dans son fourreau que de frayeur ; autrement elle dodinait au dehors comme une chenille arpenteuse, cherchant incessamment pâture là où les bouchées étaient si petites chaque fois.