Le gosse intelligent

Fernand Serrane, La carpe, Librairie Scientifique, Bruxelles, Editions Charles Bulene, 1910, p. 326-327.

Caset, porte-bois ou stockout.- Cette amorce est excellente pendant les mois de février, mars et même avril ; on la trouve dans les bords de toutes les eaux, dans les fossés non asséchés en été, dans les mares. Le caset s’attache aux herbes aquatiques, il faut donc traîner l’ épuisette avec force au fond de l’eau, le long de la berge.

On prend très souvent plusieurs poissons avec le même caset.
Mis dans une cuvelle, dont on renouvelle de temps en temps l’eau, ils se conservent en vie plusieurs mois.

« Il coupa une branche de quelques mètres formant crochet st suivit la rive. Tout à coup, il m’appela :

« Voyez-vous, me dit-il, cette grosse tale (branche) de peuplier que l’orage a cassée et qui est tombée depuis longtemps au fond de l’eau ? Elle est un peu pourrie et est pleine de loups de bois, vous allez voir. Seulement, il faut la tirer avec précaution et surtout sans secousses, sans ça ils ne seraient pas long à rentrer leurs pattes et à se laisser tomber au fond de l’eau.

Il avança son crochet, saisit la branche et la tira tout doucement à lui. Dès qu’il en eut un morceau, il la souleva en l’air et la posa sur l’herbe. Elle était littéralement couverte de larves de phryganes qui, côte à côte, y promenaient leurs cuirasses variées faites de toutes sortes de débris.

Le gosse intelligent y gagna quelques sous et moi l’assurance de pouvoir pêcher en toute tranquillité la journée entière, car j’avis bien deux cents porte-bûches dans ma boîte de fer-blanc.

Pour les conserver, j’avais mis au-dessus un peu de mousse mouillée, cela vaut mieux que de les conserver dans l’eau, dans un sceau à vif par exemple. En captivité dans une boîte pleine d’eau elles ne meurent pas, mais elles s’alourdissent et perdent leur vigueur et, au bout de l’hameçon, pendent inertes, n’agitant plus leurs six petites pattes qui éveillent tant l’attention du poisson.

J’ai fait souvent une autre remarque : c’est que si on laisse la boîte exposée au soleil , que la mouse s’échauffe, toutes les larves quittent leur retraite et se promène à nu, on dirait qu’elles font comme nous au soleil de juillet : elles retirent leur paletot !

Cela les rend vigoureuses et plus faciles à mettre à l’hameçon, car chacun sait qu’il faut les sortir du fourreau pour escher.

Ne faites donc pas comme un de mes amis qui, quoique bon pêcheur, pêcha toute une matinée, sans rien prendre, bien entendu, en accrochant la larve entière, revêtue de ses bois, au bout de son hameçon. Il aurait pu pêcher ainsi jusqu’au jugement dernier, si quelque passant charitable ne lui eût démontré comment on se servait de cette larve.

Certains pour la sortir de sa coquille, déchirent le fourreau ; il est rare qu’on ne l’abîme pas. Il est plus simple de pincer un peu la queue de la main gauche, de saisir la tête qui sort alors, avec la droite, et de tirer doucement.