Tirer par les cheveux

Jean Lefrançois , Propos d’un pêcheur montagnard, Ill. Jean Muller, Grenoble, Arthaud,1945, pp. 59-60.

Le ver d’eau, charrie-faix, cherfaix ou cazeau est encore une larve qui devient nymphe, puis mouche de grande classe sous la forme d’un insecte névroptère connu sous le nom de « Phrygane » (Stenophylax nigricornis).
Le ver d’eau habite dans une maison portative, sorte de roulotte, un peu comme l’Escargot dans sa coquille, ou mieux, le Bernard-l’ermite qui vit dans la coquille des autres.
La roulotte du cazeau est un étui fait de cailloux minuscules ou de brindilles agglomérées avec de la soie qu’il file. Le ver s’y loge à la manière d’un parapluie dans son fourreau. Etui ou fourreau, l’abri est d’une solidité remarquable et souvent d’une élégance qui fait honneur à l’architecte. L’insecte a trouvé le secret d’une colle indissoluble à l’eau et « collant (sans doute) tout, même le fer ».
Donc, quand on observe patiemment le fond d’un ruisseau clair, on voit, sur le sable fin, ou sur les pierres, nombre de petits cylindres de deux à trois centimètres, se déplacer lentement, faire des culbutes, rouler sous l’effet du courant et s’accrocher aux tiges submergées des plantes aquatiques « comme avec des mains ».
Prenons un de ces cylindres-fourreaux. Il est rétréci par un bout, mais non fermé. A l’extrémité la plus large, on aperçoit, enfouie, une petite masse brune grosse comme une tête d’épingle,, qui est bien, en effet, le chef de l’habitant. Tirons l’habitant par son chef,-je dirais par les cheveux s’il en avait, mais il n’en possède pas plus que mon ami, le docteur X …, pêcheur réputé, qui pourtant voudrait bien en avoir.