La forme d’un étui à lunettes

E. RousseauLes larves et Nymphes  Aquatiques des Insectes d’Europe, Bruxelles, J. Lebegue, 1921, p. 373-375.

Au point de vue des abris qu’elles utilisent, les larves des Trichoptères peuvent donc se répartir en deux groupes, au premier abord fort différents. Le premier renferme les larves qui normalement se construisent un fourreau ou étui protecteur mobile qu’elles transportent avec elles. A ce groupe se rattachent toutes larves éruciformes et subéruciformes, ainsi que les Hydroptilides et Glossomatines parmi les larves  campodéiformes.

Le second groupe comprend les larves qui utilisent des abris fixes, tissent des filets pêcheurs, ou vivent librement. Il comprend toutes les larves campodéiformes autres que celles que nous venons de citer.

Nous étudierons successivement dans ces deux groupes, les abris construits ou utilisés par les larves :

A.- Fourreaux ou  étuis mobiles : Les larves de Trichoptères transportant un fourreau ont de tout temps attiré l’attention et, dans toutes les langues, des noms typiques leur ont été donnés (Porte-bois, Porte-feuilles, Charrées, Casets, etc.)

Ainsi que le note Wesenberg-Lund (1913), ces larves se classent biologiquement en deux grands groupes : les larves vivant à la surface de l’eau et les larves vivant au fond. Les premières sont caractérisées  par le fait que la larve renfermée dans son étui est plus légère, ou du moins guère plus lourde que l’eau ; le fourreau est surtout formé de parties de plantes vivantes ; on trouve ces larves uniquement dans les eaux tranquilles ; les mares, les étangs. – Les larves vivant au fond des eaux sont au contraire nettement plus lourdes que le volume d’eau qu’elles déplacent : leur étui est construit à l’aide de pierrettes, de sable, de gravier, de brindilles de bois imprégnées d’eau, de feuilles pourries, etc., c’est-à-dire en matériaux lourds. On trouve ces larves aussi bien au fond des mares et étangs que dans les eaux rapides ou sur les rives  des étangs, là où l’eau se heurte par temps agités. Dans le premier cas, les fourreaux sont souvent construits des matériaux les plus divers, chez une même espèce (Limnophilus flavicornis), par exemple) ; en l’absence de courant, ils n’offrent, en général pas d’adaptation telles que celles que nous trouvons chez les larves habitant les eaux agitées. Ces dernières doivent pouvoir résister au courant, aux tourbillons, éviter d’être entrainées par eux. Et de fait, on constate que les fourreaux sont presque tous bâtis en matériaux  tels que pierrettes, sable, gravier, les alourdissant fortement ; chez les Goérines, par exemple, ils offrent en outre, bilatéralement, des matériaux de surcharge volumineux disposés de telle sorte que la face inférieure s’applique parfaitement contre la pierre sur laquelle se trouve la larve : les formes à fourreaux cylindriques ou coniques sont abondantes aussi dans les eaux agitées, mais on remarquera que ces larves se cramponnent toujours aux pierres du côté opposé au courant. Notons qu’une même larve habitant les eaux tranquilles (mare, étangs) peut parfaitement se classer durant sa jeunesse parmi les formes de fond, tandis que plus âgées, elle se rangera parmi les larves vivant à la surface ; les larves habitant les eaux rapides conservent forcément toujours leurs caractéristiques de formes de fond, lourdes.

Le fourreau est typiquement formé d’un tube de soie que cache en général entièrement un revêtement extérieur constitué des matériaux les plus variés : grain de sable, pierrettes, gravier, coquilles de Mollusques, débris végétaux, fragments de feuilles, etc. Ces éléments sont assez constants, normalement, pour chaque espèce, et leur disposition offre divers modes, la forme externe de l’étui étant fort variée.

Les fourreaux des larves éruciformes et subéruciformes sont toujours bâties sur ce type tubulaire, que l’on reconnaît facilement, même lorsque l’aspect cylindrique du tube renfermant la larve est caché par des pièces surajoutées, ailes, matériaux de surcharge, etc. ; ce tube a, en principe, une section circulaire (fig. 126, e). Les larves campodéiformes à étui mobile suivent un plan tout différent, tantôt le fourreau figure un demi-ellipsoïde (Glossosomatinae), tantôt il est aplati et a la forme d’un étui à lunettes, d’une bouteille, d’un rein, d’une graine, etc., et en tout cas il ne montre pas le type tubulaire, la section interne n’étant pas circulaire.