Que faire ?

Victor Van Tricht, Nos Insectes : deux causeries, Namur, Paul Godenne, 1883, p. 46-47.

Un gracieux névroptère, aux ailes jaunes et au vol incertain, que nous voyons par les beaux soirs d’été planer au-dessus des ruisseaux et des étangs, la phrygane, passe le premier âge de sa vie sous la forme d’une larve malpropre , au fond même des eaux et sur la vase. En cet état la pauvre bête n’a de bien armé que sa tête ; le reste de son corps est si frêle qu’il semble transparent à la lumière. Fuir serait impossible à ce petit animal : ses trois paires de pattes ne sont pas fort agiles, et elles devraient traîner derrière elles un long corps flasque et mou. Que faire ? La petite bête se construit avec des brindilles de mousse ou de bois, un petit fourreau qui la recouvre toute entière et qu’elle traîne partout avec elle. Au besoin des grains de sable lui servent à construire cette armure protectrice ; elle les agglutine ensemble avec des petites pierrettes, et le tout fait un étui très résistant. D’autres, en guise de pierrettes prennent de petits coquillages tout vivants, se les attachent autour du corps par des fils de soie, et se promènent avec cette petite armée de protecteurs en guise de jupon. « Ces sortes d’habits sont fort jolis, » dit Réaumur, » mais ils sont aussi des plus singuliers, un sauvage qui, au lieu d’être couvert de fourrures le serait de rats musqués, de taupes ou d’autres animaux vivants, aurait un habillement bien extraordinaire ; tel est celui de nos larves »
Prenez une de ces petites larves : elle se retire d’abord tout entière dans son fourreau ; dépouillez-la et mettez-la dans un bocal au fond duquel vous aurez jeté du sable et du gravier fin. Elle se promène et se hâte : trois ou quatre pierres plates sont bientôt reliées par des fils de soie : c’est la voûte de la petite maison ; elle se glise par dessous puis avec ses pattes elle ajoute une à une, à droite, à gauche et par dessous, les petites pierrrettes qui vont fermer le cercle et faire son plancher et ses murs. Il faut cinq à six heures à la petite bête pour se construire un étui de sable ; mais c’est le plus long à faire.